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La tarification incitative sur la collecte sélective : une façon de contrer les déchets d’emballages ? sept territoires en éclaireurs.

Mathieu Kappler - wikicommons
Par MESLARD-HAYOT Hugo le 18/03/2023
1ère Mise à jour (MAJ) le 20/03/2023
La France a loupé son objectif 2020 de déploiement de la tarification incitative fixé par la loi de TEPCV de 2015. Elle devrait louper celui de 2025 selon le rapport 2022 de la Cour des comptes. L’État a encore moins fixé d’objectifs pour déployer la tarification incitative spécifiquement sur les emballages et papiers, en plus des ordures ménagères. Pourtant des territoires pionniers l’expérimentent, notamment pour tenter de rapprocher leur tarification avec l’objectif de baisse nationale des déchets ménagers et assimilés. Tirer des conclusions est impossible à ce jour. Revue des pratiques.

Tentative d'état des lieux : le casse-tête

Depuis qu’elle existe, la tarification incitative (TI) fait l’objet de nombreuses publications. L’attention et l’action se concentrent majoritairement sur la baisse des ordures ménagères résiduelles (OMR).

Une fois n'est pas coutume, cet article se concentre sur un petit pan du sujet, à savoir la tarification incitative élargie sur les emballages hors verre et les papiers lorsqu’ils sont collectés ensemble. Le terme élargie sera utilisé pour désigner une tarification incitative sur les OMR et ces flux cités ci-dessus donc. On pourrait l'appeler tarification incitative totale ou complète si elles concernaient tous les flux (emballages, papiers, biodéchets, déchèterie...).

L’Ademe n’a pas fait d’étude en particulier sur les quelques territoires l’ayant expérimenté. Les autres flux collectés régulièrement, cartons bruns/alvéolés, biodéchets, fibreux 1 seuls ne sont généralement pas concernés dans les données présentées ici, qui plus est ces flux sont négligeables dans le total des OMA collectés sur les territoires recensés. Les usagers concernés par cet article sont les ménages et les déchets assimilés des entreprises et administrations collectés en même temps que les ménages. Toutes ces données sont mises à disposition dans le fichier joint à cet article pour que vous puissiez bénéficier de la totalité des informations recueillies pour cet article.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, sachez qu’au vu de la faiblesse de l’échantillon, au su des données et de l’hétérogénéité des situations territoriales, il est impossible à l’heure actuelle d’avoir des constats et affirmations générales précises sur les conséquences de cette tarification élargie. Certaines données sont parfois introuvables ou peu précises. Néanmoins, quelques analyses peuvent être faites en regardant ces quelques cas particuliers. Des informations intéressantes ressortent pour certains cas. L’année de référence des données de cet article est 2021 (année quelque peu perturbée par le Covid). Si une donnée vient d’une autre année, cette dernière sera citée ici ou dans le fichier joint.

Ainsi, à ce jour, huit territoires ayant une compétence déchet ont expérimenté la tarification incitative élargie aux emballages : la Communauté de communes (CC) pionnière de Flandre Lys en 2006 (59), la CC Val d’Essonne en 2012 (91), la CC Pays de Riolais (70), le Syndicat du Bois de l’Aumône en 2018 (63), la Communauté d’agglomération Forbach Porte de France en 2020, la CC Loire Layon Aubance en 2021, la CC Challans Gois et la CC Flandre Intérieure toutes deux en 2023. Cette dernière est adhérente du Syndicat du Smictom des Flandres comme Flandre Lys, sa voisine. Le Pays de Riolais a abandonné la tarification incitative sur les emballages et papiers. Interrogé sur les raisons de cet abandon, ils n’ont pas répondu à ce jour. Il y a donc sept territoires en tarification incitative sur ce flux emballage, sur un peu plus de 200 en tarification incitative « classique » (OMR) en 2021. Cela est à rapporter aux plus de 1000 EPCI français exerçant une compétence collecte et/ou traitement. Au total, en 2021 toujours, un peu plus d’un demi-million d’habitants usagers du service public des déchets étaient couverts par ce type de tarification incitative élargie aux emballages contre 6 millions si l’on totalise l’ensemble des territoires en tarification incitative (OMR seules, et OMR + autres flux) selon l’Ademe.

Cartographie des quatre premiers EPCI ayant expérimenté la tarification incitative élargie aux emballages et papiers le cas échéant.

Ces huit EPCI ont mis en place cette tarification élargie la même année pour les deux flux OMR et emballage, sauf le Pays de Riolais. Certains (PRECISER) sont passés en tarification incitative avant l’arrivée de l’extension des consignes de tri, sauf Flandre Intérieure, Challans Gois, SBA63 et la CA Forbach. Loire Layon Aubance l’a mise en place en juillet 2021, en même temps que la tarification élargie.

Tous les territoires actuels 2 sont passés à la TI sur OMR et sur emballages au même moment, à part Loire Layon Aubance qui avait commencé auparavant sur les OMR sur une partie e son territoire. Tous sont en redevance incitative sauf le SBA qui est à la taxe incitative 3. Ceci s’explique pour Val d’Essonne, Pays Riolais et Flandre Lys, car avant 2014 seule la Reomi existait rappelle A.GENTRIC, référente sur la tarification incitative à l’Ademe, interviewée pour cet article. Tous les autres nouveaux territoires sont en Reomi, quand bien même ils étaient en Teom sur tout ou partie du territoire avant (Challans Gois et Loire Layon Aubance par exemple). L’influence des voisins peut jouer selon A.GENTRIC. En Région Pays de la Loire, il y a « très peu de Teomi ». Il y a un phénomène d’imitation des voisins si ça se passe bien explique-t-elle. De manière générale, Mme Gentric relève que le choix du mode de facturation est « très politique ». Qui plus est, argument à l’avantage de la RI, elle a une facturation plus « pédagogique » selon notre interlocutrice. Effectivement, la transparence est plus à l’œuvre grâce à l’envoi d’une facture à part, qui n’est pas « noyée dans la masse » comme pour la Teom/teomi, abonde Mme Gentric. Aussi ajoute-t-elle, « cela permet de faire prendre conscience que tout a un coût », et ça permet de contrer « la tendance à croire que l’EPCI fait de l’argent avec la collecte sélective » 4. Plus de 70 % des sept territoires actuels en TI élargie étaient en Teom avant le démarrage de la TI, contre 40 % dans le dernier bilan 2016 de l’Ademe.

La prédominance de la redevance va à l’encontre de l’état actuel de la tarification en France hors TI, puisque plus de 80 % des Français payent la Teom. En revanche, sur les seuls territoires en tarification incitative, la redevance domine avec 178 territoires sur 200 au 1er janvier 2020 (Ademe, 2023).

Sur le type de facturation, toutes facturent à la levée ou au dépôt, sauf la CA de Forbach qui facture au poids plusieurs flux collectés en même temps grâce à des sacs pucés (biodéchets alimentaires, emballages et OMR). Cela ressemble à l’échelon national où le dernier bilan 2016 fait montre d’une écrasante majorité de tarification à la levée du bac ou au dépôt en point d’apport volontaire (PAV).

Comme pour la majeure partie des EPCI français, dans l'échantillon ici, le porte-à-porte est le mode de collecte où le plus de tonnage est collecté, pour les OMR comme pour les emballages. Idem pour la fréquence de collecte des OMR, comme la majorité des usagers du pays, la fréquence de collecte dominante est hebdomadaire (C1). Pour les emballages, dans notre échantillon, le porte-à-porte domine partout. Pour la fréquence de collecte, quatre sont en C1 et trois en C0,5. La comparaison avec le national n'a pas pu être faite, faute de référence. A. GENTRIC "pense" que « la réduction des fréquences sur emballages est une tendance nationale », pour baisser les coûts notamment. Enfin, pour les emballages, quatre EPCI sont en schéma multimatériaux et trois en schéma emballages/papiers. Ces deux schémas sont les plus fréquents au national aussi, avec le multimatériaux qui recouvre 68 % des quantités collectées en 2019 et 18 % pour emballages/papiers.

Parmi les huit territoires ayant expérimenté ce type de tarification, quatre sont classés par l’Ademe comme étant mixte à dominante rurale (SBA63, Challans Gois, Flandre Intérieure, Loire Layon Aubance), deux mixte à dominante urbaine (Flandre Lys, Val d’Essonne), un rural (Pays de Riolais) et un urbain (CA Forbach). Le rural est sous-représenté par rapport aux EPCI totaux en TI. Il n’y a aucun territoire classé en catégorie « touristique » contrairement à l’ensemble des EPCI couverts par une TI en France métropolitaine (cf. graphique ci-dessous).

Source : Ademe, 2023. Référentiel national des coûts du service public de gestion des déchets en France métropolitaine. Données 2020.

Enfin, côté tarification, la part fixe forfaire à payer pour les OMR et les emballages était moins cher pour le flux emballage pour quatre EPCI, pour les autres, elle est commune aux deux flux. Pour ce qui est de la part variable (la part incitative), les sept territoires avaient une part variable moins cher sur les emballages que sur les OMR, avec des tarifs plus ou moins incitatifs par rapport à l’OMR. Pour les OMR comme les emballages, il y a un seuil pour la part variable (autour de dix levées généralement), sauf chez le SBA 63 et la CA Forbach. Ces dernières facturent respectivement dès la 1e levée/le 1er dépôt en PAV et dès le 1er kilo.

Graphique des différents dispositifs de suivi des déchets collectés permettant ensuite la facturation des usagers - Source : Ademe

Certaines données se rapprochent du national, d'autres non, voyons encore plus loin avec les données chiffrées si des enseignements peuvent être tirés.

Quels premiers résultats ?

Dans l’analyse qui suit, les résultats de la CC Challans Gois et la CC Flandre Intérieure ne sont pas comptabilisés car elles se sont lancées en TI élargie en 2023. Le Pays de Riolais aussi car il a abandonné (non daté) la TI sur les emballages. L’année scrutée est toujours 2021, sauf indication contraire.

Avant toute chose, selon Alexandra Gentric rappelle que la TI sur les emballages n’est pas la tendance. Les EPCI « vont par contre plutôt sur la facturation en déchèterie que sur les emballages et papiers », et enchaîne en précisant « au 1er janvier 2021, trente-un EPCI avaient mis en place une facturation (incitative) pour les particuliers, basée généralement sur le nombre de passage. » 5. Alexandra Gentric termine l’échange sur les déchèteries par ces mots « C’est plus facile pour les collectivités d’envisager la facturation en déchèterie, dotant que les tonnages sont plus importants. C’est peut-être plus facile de développer les alternatives sur les dépôts en déchèterie, par exemple les biodéchets. ». Bien que la déchèterie soit la plus ciblée, A. Gentric qui échange régulièrement avec les EPCI note que « Les collectivités se disent de plus en plus “nous allons facturer deux flux d’entrée de jeu : OMR et recyclables secs hors verre“ ».

Les collectivités ici en TI élargie apparaissent plus volontaristes sur le plan politique pour faire coïncider leur tarification avec les objectifs nationaux de baisse des déchets ménagers et assimilés (DMA). Contactée par email, c’est notamment ce qu’a répondu Anne BOYER, directrice générale adjointe du SBA63. Alexandre Gentric ne dit pas autre chose en évoquant le Smitom des Flandres qui regroupe Flandre Lys et Flandre Intérieure « pour le Président du syndicat qui regroupe Flandre lys, l’intention initiale c’est la prévention. ». Un des objectifs de cette TI élargie est de limiter le transfert de tonnage entre les OMR et les emballages et papiers au sein des OMA. En effet, la réglementation actuelle ne fixe aucun objectif spécifique de baisse des ordures ménagères, ni des OMA (la loi Grenelle en fixait un). L’objectif national de baisse est fixé sur les DMA, à savoir réduire de 15 % la production de déchets ménagers et assimilés par habitant entre 2010 et 2030. Une tarification incitative sur les OMA, qui a par définition un périmètre plus large que les OMR, a plus de probabilité d’aider à atteindre l’objectif national sur les DMA. Bien évidemment, une tarification incitative sur tous les flux, OMA et déchèterie peut encore plus aider.

L’analyse de l’évolution des emballages et papiers est très compliquée. Prenons le risque, pour rappel toutes les données sont dans le fichier joint. Sur les cinq EPCI analysés ici en 2021 (SBA63, Flandre Lys, Forbach Porte de France, Val d’Essonne et Loire Layon Aubance) certains collectent les papiers en schéma multimatériaux, et aussi, dans le même temps, de manière séparée sans les emballages. Lorsque la collecte séparée des emballages d’un côté et des papiers de l’autre existe, généralement ces derniers sont collectés en PAV avec un accès-libre. Ce qui les exclut du dispositif incitatif contrairement aux collectes en bacs dans le schéma multimatériaux. C’est le cas semble-t-il de la CA Forbach (qui n’a pas répondu aux questions). Elle collecte les fibreux (cartons et papiers) en PAV sans contrôle d’accès. Idem pour Loire Layon Aubance qui collecte en PAV le papier seul, sans contrôle d’accès. Même si le tonnage est marginal (quelques centaines de tonnes), le SBA63 a aussi des PAV dédiés aux papiers en libre accès dans ses déchèteries. Mais la majeure partie du papier est collectée dans les bacs en porte-à-porte. Le Val d’Essonne, cas encore plus particulier, a lui démarré sa TI élargie en 2012 avec un schéma multimatériaux en porte-à-porte. Mais en 2016, il a commencé à déployer des PAV emballages et papiers et des PAV papiers seuls en libre accès. Cette même année 2016 est celle de la mise en place de l’extension des consignes de tri là-bas. En septembre 2021, les PAV papiers seuls ont été obturés ou retirés pour que les usagers n'utilisent que les PAV multimatériaux restants, en libre accès. Pour Flandre Lys, c’est plus simple, la totalité des emballages et papiers est collecté en porte-à-porte en schéma multimatériaux. SBA63 et Loire Layon Aubance sont passées en extension des consignes de tri en mai et en juillet 2021 respectivement, la CA Forbach en 2022. Tous les autres y sont passés avant 2021. Seule la CA Forbach ne collecte pas d’assimilés dans notre échantillon.

Comme l’ont montré les quinze dernières années, il y a rarement des changements brutaux des quantités collectées par habitant par an. C'est pourquoi ici, sera comparé des données 2021 et des données 2019 lorsque ce sont les dernières données disponibles. L'article sera mis à jour avec les données 2021 dès que possible. Avec les données brutes de 2021, tous les territoires sauf la CA Forbach, sont en dessous de la moyenne nationale 2019 sur les emballages et papiers collectés sur les territoires en TI, soit 59 kg/hab/an. La CA Forbach a seulement un an de mise en place en 2021. Loire Layon Aubance a démarré en 2021 pour la TI sur les emballages mais en 2015 pour les OMR. Selon la dernière enquête collecte 2019 de l’Ademe, les tendances nationales depuis une dizaine d’année vont vers la baisse des OMR et aussi des OMA collectées. Mais sur le flux emballages et papiers, et sur le flux verres d’emballages, les tendances sont haussières. Les hausses de ces flux sont contrées par des baisses plus fortes des OMR, qui est le gisement le plus important des OMA en poids. En comparant nos cinq territoires à tous les territoires de l’échelle national (TI et hors TI compris), ils produisent en moyenne légèrement plus d’emballages et papiers, 53,2 kg/hab/an en 2021 contre 50,2 au national en 2019. Sur le verre d’emballage, ils sont à 40 kg/hab/an en moyenne en 2021 contre 32 kg au national tout territoires confondus en 2019. Ces 40 kg/hab/an sont proches de la moyenne des 134 territoires en TI puisque le bilan 2016 de l’Ademe mentionnait une moyenne à 42 kg/hab/an. Il est donc impossible de conclure quoi que ce soit à ce stade.

En élargissant le périmètre comparatif aux OMA, il y a quelques changements. En 2021, ces cinq EPCI produisaient 239 kg/hab/an d’OMA (emballages verre et légers, papiers OMR). En 2019, l’échantillon national produisait 331,1 kg/hab/an, donc presque 100 kg de plus, alors plus de la moitié du territoire national n’était pas passé en extension des consignes de tri en 2019. Une donnée récente sur la production d'OMA des territoires en TI n'a pas été trouvée. Sur ce périmètre, la dernière donnée date de l’étude de 2016, la moyenne des OMA (emballages verres et légers, OMR) donnait 230 kg/hab/an soit un niveau proche des cinq territoires étudiés ici. Si l’on compare les données 2021, aux données 2016 et 2017 de ces mêmes territoires, alors trois territoires sur cinq ont vu diminuer les quantités de ce périmètre d’OMA. Seuls Flandre Lys et Val d’Essonne ont augmenté leur tonnage. Peut-être que Flandre Lys a une grille tarifaire trop peu incitative/contraignante depuis son lancement en 2006, ainsi ses performances de baisse d’OMA régressent ? Pour Val d’Essonne, le cas est particulier. Comme expliqué plus haut, ce territoire était presque exclusivement collecté en multimatériaux en porte-à-porte jusqu’en 2016, il y avait quelques PAV papiers. En 2016, le choix a été fait de déployer des PAV multimatériaux en plus, la même année que l’extension des consignes de tri. Entre 2015 et 2019, la collecte a augmenté de plus de 10 kg sur les emballages et papiers. Le verre a aussi augmenté sous l’effet de la collecte en porte-à-porte, quasi arrêtée en 2022 désormais. L’extension des consignes de tri n’explique pas à elle seule cette hausse des emballages légers, selon le dernier rapport 2020 de Citeo, l’extension amène environ 3 kg en plus d’emballages. L’accès libre à ces PAV a amené semble-t-il quelques relâchements dans les pratiques des usagers, qui jusqu’alors ne pouvaient échapper à la TI via leurs bacs (sauf si brûlage, tourisme de déchets…). Les OMR ont seulement bougé d’un kilo entre 2016 et 2021 sur Val d’Essonne.

Justement, un des écueils affirme A. Gentric est celui de connaître la part de « vraie prévention ». Effectivement, si l’intention est de réduire la quantité d’emballages collecté 6, il est très difficile de savoir si la baisse de quantité collectée est liée à des pratiques de prévention véritables (consommation vrac, réemploi, stop-pub pour le papier…). A l’instar, de la tarification incitative en générale, ce système de facturation nouveau visibilise un coût que les usagers connaissent peu. Cette visibilisation d’un coût pensé par des usagers comme gratuit ou comme une manne pour la collectivité peut amener certaines déviances, telles que le brûlage de déchets ou encore le tourisme de déchets comme en Maine-et-Loire (Ouest France, 2023). Des habitants déposent alors leurs déchets dans des territoires voisins non soumis à la tarification incitative, dans des PAV à accès libre. Autre changement, nous le verrons plus loin, des déchets d’emballages passent de la poubelle ménagère à la poubelle de certaines entreprises. Toutes ces adaptations comportementales permettent de réduire les quantités collectées sans savoir s’il s’agit de déchets réellement évités à la source, non produits, ce qui est l’objectif national « réduire la production » de DMA et non la quantité collectée.

Ni l’évolution des refus de tri ni celle des coûts n’ont été étudiées.

2023 : deux petits nouveaux en TI élargie

En 2023, Flandre Intérieure et Challans Gois (Vendée) ont sauté le pas de la tarification incitative sur les emballages. Le département de la Vendée fait partie des départements français les plus couverts par une tarification incitative. Il y a plus de 70 % de la population qui est couverte par la redevance incitative 7selon Mme TERRÉE, directrice communication-animation-prévention chez Trivalis. Ainsi, sur les 17 collectivités à compétence collecte qui adhèrent au syndicat Trivalis, seules 4 n’ont pas mis en place de tarification incitative à ce jour. Selon Alexandra Gentric « c’est les EPCI vendéens qui avaient lancé cette réflexion en premier sur la tarification élargie aux emballages et papiers ». Ces EPCI avaient conclu « de réorienter la communication » (sur la prévention) avant d’y passer « car le centre de tri mis en service a été très rapidement saturé ». En effet, le centre de tri « Vendée tri » situé à la périphérie de La Roche-sur-Yon a été inauguré en 2017 pour accueillir 30 000 tonnes d’emballages. C’est le seul à accueillir uniquement des emballages d’après Mme TERRÉE. Face à l’afflux d’emballages jetables, celui-ci doit doubler de capacité six plus tard en 2023 pour atteindre 60 000 tonnes. La Vendée a été également un département pionnier pour l’extension des consignes de tri puisque 100 % du territoire était couvert en 2017. Toute la Vendée tri le papier et le verre séparément en point d'apport volontaire. La collectivité nord vendéenne Challans Gois communauté est passée de la TEOM à la redevance incitative élargie en 2023. D’autres collectivités scrutent ce territoire pour peut-être l’imiter selon nos interlocuteurs vendéens.

Challans Gois indique produire 190 d’OMR/hab et 63 kg/hab/an d’emballages et papiers en 2021. Les objectifs sont d’atteindre 139 kg/hab/an d’OMR et 38 kg/hab/an pour les emballages/papiers pour se rapprocher de la moyenne vendéenne en la matière. Ces objectifs affichés n’ont pas de date butoir.

La facturation se décompose aussi en une part fixe et une part variable. La part fixe intègre plus de levées du bac ou d’ouverture du PAV pour les recyclables secs hors verre. Là aussi, les levées ou ouvertures des "tambours" de PAV comprises dans la part variable sont moins chères pour les contenants jaunes que pour les OMR.

La redevance incitative pour les foyers en habitat individuel expliquée par Challans Gois communauté

Challans Gois et Flandre Intérieure voient un phénomène monter, le déballage en sortie de caisse. En effet l’article 199 de la loi Grenelle II de 2011 8 et depuis la publication de la loi AGEC de 2020 et son article 9, les supermarchés de plus de 400m2 et hypermarchés de plus de 2500m2 doivent mettre en place le tri des déchets d’emballages en sortie de caisse. Sur le territoire de la Flandre Intérieure, le déballage est rapporté par le journal la Voix du Nord. Le magasin Leclerc d’Hazebrouck a fermé ses bacs, et les clients doivent présenter leur ticket de caisse pour pouvoir accéder aux bacs en sortie de caisse. Par contre le magasin carrefour laisse l’accès libre et doit sortir ses poubelles deux fois par jour contre une fois par semaine auparavant (La Voix du Nord, 2023). Tristan Brossard, responsable d’exploitation pour Challans Gois 10, explique que les élus ont fortement communiqué sur ce sujet sur son territoire. Ces derniers ont dit aux gens de « de déposer les suremballages dans les grandes surfaces. » lors des quinze réunions publiques notamment. L’EPCI a mis des bacs quatre roues de grand volume dehors à disposition de grandes surfaces pour les emballages pour que ces dernières puissent faire face aux flux grandissant dans leurs poubelles explique M.BROSSARD. Chez Leclerc par exemple, il constate que les bacs de tri en sortie de caisse sont rapidement pleins depuis le début de l’année. Mais d’autres magasins ne respectent pas l’obligation de tri en sortie de caisse renchérit-il. Avec cette pratique, le principe pollueur-payeur se rapproche des metteurs en marché initiaux (il reste à définir qui est le pollueur : metteur en marché, distributeur, consommateur, autre, un peu tous ?). L’avenir dira si la Vendée, qui a une des plus fortes densités de grande surface par habitant en France, verra le déballage se généraliser suite à un éventuel déploiement de la TI sur les emballages.

Tri en sortie de caisse du magasin Leclerc de Thouars – 2023 (photo les décheticiens)

Jusqu’alors, en Vendée comme ailleurs, l’écrasante majorité des territoires se trouve être en tarification incitative sur le seul flux OMR. En élargissant la TI aux flux recyclables, il y a un risque politique important. Un risque que qualifie ainsi Alexandra GENTRIC « Il y aura une tendance à réfléchir plus systématiquement à la facturation des emballages dans les nouveaux projets mais pour ceux qui sont déjà en place il y aura une difficulté ». Un des risques est que les usagers ne comprennent pas cette évolution. En effet, après des décennies de communication centrées presque exclusivement sur les vertus multiples du tri pour recyclage et une invisibilisation des coûts associés, les ménages pourraient percevoir ce changement comme une sanction après des années « d’efforts » de tri de leur part.

Jusqu’ici Citeo n’a pas donné suite aux questions sur leur position vis-à-vis de ce sujet, et s’ils y étaient favorables ou pas. La CC Flandre Intérieure aussi n’a pas répondu à la demande d’interview d’Elizabeth BOULET, élue en charge des déchets. Val d’Essonne n’a pas répondu aux questions sur ses PAV et le contrôle d’accès éventuel sur ceux-ci. La CA Forbach n’a pas répondu à la question posée sur le contrôle d’accès de ses PAV papiers et PAV emballages.

Les décheticiens suivra l’évolution de cette tarification incitative élargie pour refaire un bilan plus complet en cas de développement.

Sources :

ADEME, MUSCAT Thibault, CITEXIA. 2017. Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016. 65 pages.
Ademe, 2021. Financement du service public de gestion des déchets. La tarification incitative.
Ademe, 2023. Référentiel national des coûts du service public de gestion des déchets en France métropolitaine. Données 2020.
Ademe, 2023. Tarification incitative.
Citeo, 2021. Extension des consignes de tri à tous les emballages en plastique. Rapport d’étape 2020.
Challans Gois, 2023. Rapport annuel 2021 sur la gestion des déchets.
Challans Gois Communauté, 2023. Redevance incitative.
Challans Gois Communauté, 2023. Redevance incitative : un nouvel R (réduire, réutiliser, recyler) pour vos déchets.
Fichier excel Ademe.
Flandre Lys, 2021. Tarifs 2021.
La Voix du Nord, 2023. Bornes pour les emballages : Leclerc Hazebrouck verrouille le système.
Ouest France, 2023. Loire-Layon-Aubance. La redevance déchets « incite aux incivilités »
Siredom, 2022. Rapport d’activité et  rapport sur le prix et la qualité des services publics (RPQSP) 2021.
Smictom des Flandre, 2022. Rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de prévention et gestion des déchets.
Smitom Sud Saumurois, 2022. Rapport annuel 2021.
Syndicat Bois l’Aumône, 2022. Rapport annuel 2021.
Sytevom, 2022. Rapport annuel d’activité 2021 sur le prix et la qualité du service public de prévention et gestion des déchets ménagers et assimilés.
Trivalis, 2022. Projet d’extension des capacités du centre de tri départemental de la Vendée – Vendée Tri.
Val d’Essonne, 2023. Les services et les tarifs
Val d’Essonne, 2022. Rapport annuel 2021 sur le prix et la qualité du service public d’élimination des déchets ménagers et assimilés.


  1. papiers et cartons.[]
  2. Hors Pays de Riolais donc.[]
  3. Selon A.GENTRIC « les élus du SBA auraient voulu passer en redevance incitative au départ mais cela a été modifié pour un passage en teom suite à des réticences d’usagers ou d’élus ».[]
  4. Note de lecture : Il faut comprendre ici, que généralement, collecter et traiter des recyclables secs hors verre coûte plus que cela rapporte, malgré les recettes de vente et les soutiens financiers.[]
  5. Entre 4 et 36 passages forfaitaires sur ces trente-un EPCI.[]
  6. et papiers en schéma multimatériaux[]
  7. Pas de Teomi en Vendée.[]
  8. Transposé à l’article L541-15-10 du code de l’environnement.[]
  9. Transposé à l’article. L. 541-10-18 du code de l’environnement.[]
  10. J'ai travaillé un an avec Tristan au sein de la SPL Kyrielle à Saumur[]
Nota bene : cet article a été publié à une date qui correspondait peut-être à l’époque à un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Les informations qu'il vous propose ne sont peut-être plus à jour. En cas d’erreurs ou d’inexactitudes, merci d’aider à les corriger en me communiquant vos remarques et commentaires.
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2 comments on “La tarification incitative sur la collecte sélective : une façon de contrer les déchets d’emballages ? sept territoires en éclaireurs.”

  1. Bonjour,

    pour ma part je reçois des factures de ma communauté de communes qui sont établies ainsi:

    Collecte sélective en porte à porte 7.37 par adulte
    Nombre de levées
    Poids collecté en kg

    Alors que dans les faits, je ne mets pas de poubelle.

    Ont-ils le droit de me faire payer une collecte sélective sans déchets à relever ni à trier ?

    Merci

    1. Bonjour,

      Je ne connais pas précisément votre situation, je ne peux pas répondre désolé. Il faut vous tourner vers un juriste spécialisé. Il y a un forfait minimal à payer pour les logements d'habitation en TEOMI, même si on ne sort pas sa poubelle. Tout dépend de votre cas.

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