S’il y a bien un sujet environnemental (mais pas que), c’est lui des déchets. Extraction de ressources, pollutions, émissions de gaz à effet de serre, atteintes à la biodiversité, les atteintes à l’environnement sont légion en la matière. Ce sujet devrait théoriquement être présent chez les candidats. L’analyse comparée entre les cinq candidats repose sur leurs programmes 1, sur les près de 7h débats 2 et sur les portraits publiés par Reporterre « le quotidien de l’écologie ». Vous pouvez retrouver ces portraits ici.
Ces différentes sources d’analyse portent bien évidemment des sujets environnementaux, comme les transports, le nucléaire, l’alimentation, l’agriculture, la pollution de l’air, mais comparativement les déchets ont eu une maigre place générale dans les écrits et les dires des candidats. Ceci peut s’expliquer par les questions posées par les intervieweurs, aucune ne concernait précisément les déchets. Les propos et mesures sont présentées dans l'ordre alphabétique des noms des candidates et candidats.
La candidate, ex-ministre de l’écologie durant un peu plus d’un an au début du quinquennat Hollande, n’a pas évoqué la thématique des déchets, à aucun moment. En revanche, elle a axée sa campagne sur le concept de décroissance notamment., qui vise entre autres à découpler la croissance économique de la production/consommation d'énergie, de matières 3 . Pour les déchets, en France, actuellement aucun découplage absolu, pérenne, immédiat entre la croissance économique et la production de déchets n'a eu lieu.
Dans le seul livre des candidats lu par les décheticiens, L’insoumise (2014), l'autrice Delphine Batho consacre un chapitre à l’économie circulaire, soit un peu plus de cinq pages sur deux-cent soixante-trois pages. 4 Elle ouvre celui-ci en écrivant « L’économie circulaire est le concept le plus prometteur que j’ai rencontré au cours des dernières années ». Elle rappelle la définition du concept, les politiques d’économie circulaire ailleurs (Pays-Bas, Allemagne, Japon, Chine…). Elle nomme des acteurs du secteur de l’économie circulaire, et elle dit la nécessité que l’État s’engage dans l’économie circulaire « sur des produits et dans des territoires ». Elle évoque une loi-cadre qu’elle avait proposé au sujet de l’économie circulaire, mais « sans raison, sans explication, cette proposition a écartée par les services du Premier ministre ».
Il est le seul des trois candidats à avoir parlé des déchets dans les trois débats. Dans le premier débat, il a évoqué « l’économie circulaire », et a un autre moment a dit que « le meilleur déchet c’est celui qu’on ne produit pas ». Il a reparlé d’économie circulaire au second débat, cette fois-ci « pour le plein-emploi », sans détailler son propos. Il a aussi exprimé une nouvelle idée par rapport au premier débat, la voici : « les déchets verts et les méthaniseurs sont extraordinaires pour favoriser les carburants de 3e génération ». Il a réitéré à quelques détails près son propos lors du troisième débat. Suite à une question sur la taxe carbone il a déclaré vouloir des déchets verts et non alimentaires pour faire des biocarburants de 3e génération, et a poursuivi en disant « je crois beaucoup aux méthaniseurs par exemple […] et aux microméthaniseurs […] pour créer du biogaz, de l’électricité et des carburants ».
Dans son argumentaire sur la lutte contre le changement climatique, il a proposé qu’« il faut faire de la réparation à gogo, il faut vraiment que l’économie circulaire devienne l’économie reine de notre pays ».
Enfin dans ces derniers mots lors du dernier débat, en évoquant un de ses mots d’ordre, à savoir la coopération, il a évoqué les composteurs collectifs.
Concernant son programme sur Internet, ses propositions semblent celles des élections régionales 2021 en PACA pour lesquelles il avait candidaté. Dans la partie agriculture, le candidat à la primaire écologiste souhaite développer les plateformes de compostage comme alternative à la fertilisation de synthèse.
Dans la partie économie, le candidat fait la proposition suivante : « aider en capital et en prêt les entreprises qui satisfont nos objectifs de recyclage de 100% des produits utilisés dans notre région au terme du mandat ». Il dit vouloir faire savoir que l’économie circulaire associée à la rénovation énergétique, aux énergies renouvelables et aux fermes paysannes engendrera le plein emploi.
Le candidat fait des propositions dans une partie dédiée aux déchets :
Analyse :
Concernant la méthanisation, celle-ci est en forte croissance en France. La première unité a vu le jour en 1988 à Amiens dans la Somme (De Silguy, 2013), et désormais il existe plus de 1000 installations, surtout à la ferme (Ademe, 2021). Selon cette même étude de l’Ademe, la valorisation en bioGNV pour véhicules est la plus faible des valorisations au 1er janvier 2021, loin derrière la valorisation en électricité, en chaleur et en biométhane injecté dans le réseau de gaz. Qui plus est des opposants à ces projets se font régulièrement entendre (Le Monde, 2021 ; actu environnement, 2021), malgré des impacts environnementaux qui sont plutôt bénéfiques (7 indicateurs sur 11) pour les déchets de cuisine et de table (Ademe, 2021). Néanmoins, cette étude montre que sur l'indicateur changement climatique, les impacts environnementaux agrégés (la somme des impacts générés et évités) sont en défaveur de la méthanisation 5. Un rapport parlementaire sur la méthanisation doit être publié en septembre en France.
La proposition du candidat pourrait permettre de baisser, toutes choses étant égales par ailleurs, la part des énergies fossiles dans les transports.
Avec Eric PIOLLE, il est le candidat ayant proposé le plus d'idées en matière de réduction des déchets. 6
Dans son entretien chez Reporterre, il a dit vouloir différencier « les taux de TVA en fonction de ce qui est vertueux ou non », sans préciser si les produits et services auxquels cela pourrait s’appliquer.
Lors du premier débat, il a évoqué les déchets dans les sources d’énergie renouvelable. Il a réévoqué cela lors du dernier débat du premier tour en évoquant une nouvelle fois les déchets en tant qu’énergie dans un listing énergie renouvelable (solaire thermique, éolien, solaire thermique, hydraulique…). Il a aussi parlé de recréer de l’économie circulaire localement. Il n’a pas dit mot sur les déchets lors du second débat.
Dans son entretien chez Reporterre, il a dit vouloir différencier « les taux de TVA en fonction de ce qui est vertueux ou non », sans préciser si les produits et services auxquels cela pourrait s’appliquer. Lors du débat du second tour sur LCI le 22 septembre, il a mentionné vouloir passer la TVA à 5,5 % pour la réparation. Il a pris pour exemple le modèle des verts suédois. Il a repris cet exemple lors du dernier débat, en exemplifiant le besoin de réparation via les téléviseurs dont "40 % des téléviseurs en panne pourraient être réparables". Il a poursuivi son argumentation en invoquant une "victoire" pour le pouvoir d'achat grâce à son travail avec l'eurodéputé EELV 7 David CORMAND sur les chargeurs universels.
Lors du premier débat, il a évoqué les déchets dans les sources d’énergie renouvelable. Il a réévoqué cela lors du dernier débat évoquant une nouvelle fois les déchets en tant qu’énergie dans un listing énergie renouvelable (solaire thermique, éolien, solaire thermique, hydraulique…). Il a aussi parlé de recréer de l’économie circulaire localement. Il n’a pas dit mot sur les déchets lors du second débat ante premier tour.
Enfin, dans ses « premières positions structurantes » qui servent de « directions à adopter et des mesures à prendre dans quelques domaines-clés », mais pas de programme présidentiel, le candidat ne présente aucune mesure sur les déchets.
Lors du débat du second tour sur LCI, l'eurodéputé JADOT a dit qu'il fallait "sortir du jetable, du gaspillage de l'obsolescence programmée", il a répété sa volonté de sortir du jetable et de l'obsolescence programmée sur BFM TV lors du dernier débat. Sur LCI, il a aussi évoqué pêle-mêle l'économie circulaire, l'économie de la réparation, de la réutilisation, du recyclage.
Sur LCI, il a parlé de sa visite de l'entreprise cycle-terre. Il a évoque le réemploi des terres excavées du chantier du Grand Paris. Il a évoqué cette visite sur BFM TV également. Ceci n'est pas du réemploi, c'est du recyclage ou de la valorisation selon la nature dangereuse ou non des terres excavées. Sur son site l'entreprise, utilise une fois le champ lexical du recyclage et une autre fois celui du réemploi, entretenant la confusion.
Enfin, sur BFM TV, au détour d'une boutade de l'intervieweur Jean-Jacques BOURDIN sur le vrac, il a dit que le vrac était une bonne idée et que le grand enjeu c'était de sortir des emballages plastiques. Une mesure déjà prise dans la loi AGEC, il devront disparaître d'ici 2040.
Il est le seul candidat à avoir évoqué les déchets chez le quotidien Reporterre. Il y a déclaré : « Nous voulons aussi rendre notre économie circulaire et non plus linéaire. À ce sujet, nous proposons la création de 10 000 ateliers de réparation des objets du quotidien. Je pense aussi à la lutte contre l’obsolescence programmée. »
Il n’a pas évoqué le sujet déchets au premier débat, mais au deuxième et troisième si. Lors du second débat, au sujet des économies d’énergie, il a préconisé « de recycler les matières premières ». Il a aussi déclaré « nous créerons 10 000 ateliers de réparation ». Lors du dernier débat, il a parlé très brièvement d’ « arrêter l’obligation de traiter le verre avec les microrayures qui empêche les consignes de verre en France alors que ça se déploie partout ailleurs. »
Concernant son programme, les mesures sur les déchets sont plus nombreuses que chez ses adversaires. Ainsi, le 18 août 2021, le Maire de Grenoble 8, candidat à la primaire des écologistes a dévoilé un plan de 25 pages en guise de préprogramme présidentielle avant la tenue de la primaire.
Le candidat propose neuf actions en faveur de la transition énergétique, dont une intitulé « réduire les déchets et favoriser le recyclage et le réemploi ». Cette action se traduit par diverses propositions :
Ces actions doivent permettre de créer 60 000 emplois dont 40 000 dans la réparation, 10 000 dans le développement du compostage et de la méthanisation, et 10 000 « dans les industries de la récupération ». Le tout doit permettre d’économiser 4,7 millions de tonnes annuelles Eq-Co2 sur le quinquennat 2022-2027 selon le candidat.
A part la première mesure, il n'y a rien de révolutionnaire dans les nombreuses propositions du candidat PIOLLE. Par exemple, la fin des unités d'incinération sans valorisation énergétique représente un parc très faible. Sur les données 2016 de l'Ademe, sur 124 unités seules 7 ne faisaient pas de valorisation énergétique (Ademe, 2019). Elles traitaient 0,90 % des déchets incinérés de l'époque. Sinon, il pousse plus loin des mesures mises en place durant le mandat du Président Macron. Sur la vente en vrac, il veut donc avancer la date d'obligation prévue dans la loi climat et résilience de 2021 (2030), et il souhaite augmenter la part obligatoire de vrac dans les commerces de plus de 400m2. 10. Aussi, sur l'interdiction du plastique à usage unique, la loi économie circulaire de 2020 a prévu la fin des emballages plastique à usage unique en 2040, ici E.PIOLLE souhaite donc étendre ça à tous les plastiques (on peut difficilement voir ce qu'il y a de plus jetable que des emballages). Sur le "oui-pub", l'article 21 de la loi climat encadre seulement une expérimentation. Concernant l'allongement de la garantie légale de conformité, c'est une demande de l'association Halte à l'Obsolescence Programmée dans son livre blanc de 2019, l'association propose une garantie minimale de 5 ans sur les DEEE 11 et une garantie minimale de deux sur tous les produits mais allongée sur les produits les plus chers et qualitatifs. Enfin, pour la dernière proposition le Ministère de la transition écologie (via l'Ademe) a multiplier les financements pour reconvertir les friches industrielles (les anciennes décharges semblent néanmoins rarement concernés 12 ).
Ni dans les deux articles chez Reporterre, ni lors des débats, la candidat Sandrine ROUSSEAU n’a évoqué les déchets.
En revanche, dans la partie de son programme dédiée à la « radicalité environnementale », Sandrine ROUSSEAU propose de produire une énergie d’origine 100 % renouvelable d’ici à 2050. C’est dans cette partie que la seule mesure sur les déchets de son programme est présente, la voici : « engager […] la création d’une filière de recyclage des équipements en fin de vie ». Elle a évoqué ce même recyclage sur LCI lors du débat du second tour, le recyclage des terres rares. L'objectif affiché est de réduire notre dépendance à la Chine pour l'approvisionnement de ce minerai métallique.
Enfin, lors du dernier débat, elle a défendu l'artisanat comme un secteur permettant "d'avoir des produits de qualité et réparables".
Le premier candidat écologiste à l'élection présidentielle fut René DUMONT en 1974, la dernière candidate fut Eva JOLY en 2012 (Y.JADOT s'étant désisté en 2012 au profit du socialiste Benoît HAMONT). La primaire écologiste s'inscrit dans la perspective des élections présidentielles de 2022. Depuis quelques semaines, une kyrielle de candidats et candidates s'est déclarée, plus ou moins connus (Anne HIDALGO, Arnaud MONTEBOURG, Hélène THOUY, Jean LASSALLE, Marine LE PEN, Jean-Luc MELENCHON, Anasse KAZIB,Valérie PECRESSE, Antoine WAETCHER 13...). Les décheticiens suivra cette campagne et fera des articles sur les propositions des candidats sur le thématique des déchets, le quinquennat 2017-2022 d'E.MACRON sera lui aussi analysé à la loupe sur la prévention des déchets. Assurément l'écologie devrait être une thématique centrale de la présidentielle et du nouveau mandat 2022-2027, et les déchets pourraient se faire une petite place, pour le meilleur et/ou pour le pire (selon les candidats).
2022 l’écologie, 2021. Premières propositions structurantes. Consulté le 12/09/2021.
Actu environnement, 2021. Biométhane : une filière en transition et sous tension.
Ademe, 2021. ACV impacts filières compostage méthanisation.
Ademe, 2021. Chiffres clés du parc d’unités de méthanisation en France au 1er janvier 2021.
Ecologie au centre, 2021. Nos propositions. Consulté le 04/09/2021.
Éric PIOLLE, 2021. PLAN POUR UNE TRANSITION ÉCOLOGIQUE GÉNÉRATRICE D’EMPLOIS ET DE JUSTICE SOCIALE : TRANSFORMER NOS PROBLÈMES EN EMPLOIS. Consulté le 04/09/2021.
Le Monde, 2021. En Bretagne, les projets de méthanisation suscitent de plus en plus de crispations.
Mediapart, 2021. "Face à médiapart" : le débat de la primaire écologiste.
Mediapart, 2021. Face à médiapart : Yannick Jadot et Sandrine Rousseau.
Reporterre, 2021. Yannick Jadot : « un seul objectif, gagner ! ».
Sandrine Rousseau 2022, 2021. Le programme. Consulté le 04/09/2021.
Youtube, 2021. Rousseau-Jadot : l'intégral de l'ultime débat de la primaire écologiste.