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Les couches bébés jetables continuent de faire chier

Depuis près de trente ans, malgré l’explosion de la part des textiles sanitaires dans les ordures ménagères, et malgré la prévention affichée comme priorité, les couches jetables ne cèdent pas plus de place aux couches lavables. Alors que l’étude de préfiguration de la future filière REP des textiles sanitaires vient de démarrer, plusieurs freins persistent, dont le manque de portage politique national et local, par exemple dans la Région Hauts-de-France.

L’histoire des couches, société de consommation et engagements féminins en filigrane

Ce chapitre est grandement inspiré du chapitre du livre de Vincent BAILLY, Rémi BARBIER et François-Joseph DANIEL sorti en 2022 et cité dans les sources en fin d’article. Ce livre dresse une monographie qui concerne le cas des couches lavables. Sans remonter aux emmaillotages antiques et aux langes avec l’épingle à nourrice, ici nous retraçons l’histoire mondiale et française des couches jetables et réutilisables au XXe et XXIe siècle (pour plus de détails, se référer au livre).

Le réutilisable a précédé le jetable durant le XXe siècle. Les services de collecte, lavage et parfois de location de couches textiles réutilisables aux ménages ont vu le jour dans les années 1930 aux États-Unis. Mais cette activité périclita avec l’essor des machines à laver après-guerre, face à la concurrence du jetable et la redéfinition des conventions sociales autour de la propreté comme l’absence de tâches, d’odeurs nauséabondes…

Selon les auteurs, c’est « à en croire, les récits des origines, au milieu du XXe siècle que la couche jetable est inventée et que se noue une bataille ayant pour enjeu l’attribution de la paternité de cette « invention ». Plusieurs personnalités masculines et féminines sont citées. Mais ce serait des femmes entrepreneuses, créatives, qui auraient d’abord développé les premières activités de fabrication de couches jetables aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Elles ont innové pour se libérer du temps (corvées de lavage), notamment pour intégrer le « monde du travail » tout en gardant la propreté de l’enfant en tête pour toujours paraître comme une « bonne » mère.

Le changement a été progressif. Il s’est fait des langes lavables à épingle à nourrice, vers des couches hybrides (mixte réutilisables-jetables) dans les années 1950. Le développement du jetable est faible dans un contexte d’après-guerre d’après les auteurs, car « l’idée de jeter entièrement la couche […] paraît totalement incongrue tant pour des raisons économiques (coût rédhibitoire du jetable) que morales (condamnation symbolique du gaspillage et image de mauvaise mère ». Les couches jetables prennent leur essor réellement vers la fin des années 1960 aux États-Unis d’abord (par exemple, la couche Pampers® est créée en 1961) et en Europe après où elles arrivent en 1967. Cet élan se réalise notamment grâce aux polymères en plastique, meilleurs que la pulpe de papier pour garder les fesses de bébé au sec.

Quelques décennies plus tard la messe est dite. « L’European Disposables and Nonwovens Association (EDANA), lobby international assurant la promotion des produits d’hygiène à usage unique et qui regroupe les grandes organisations du secteur, estime qu’en 1980 le taux d’utilisation de couches jetables avoisinait les 97 % en France. Dans les pays où persistait des services d’entretien/lavage de couches textiles (États-Unis, Grande-Bretagne, Pays-bas), le jetable a peiné un peu plus à remporter la mise, tout en étant déjà majoritaire.

À la fin des années 1990 et début des années 2000, réapparaît la couche réutilisable en France autour d’une communauté virtuelle (sur internet) via des parents utilisateurs. Cela se fait sur des forums de parentalité. Cette réémergence se cristallise sur fonds d’alertes sanitaires et environnementales importées d’Allemagne notamment, ainsi qu’autour d’intérêts communs pour la « parentalité au naturel » (portage, allaitement prolongé, etc). Puis se développe une fabrication artisanale française de couches lavables via « des mamans couseuses » (pour limiter la dépendance aux couches importées) et enfin une offre de prestations de service de collecte et lavage via des « écolaveurs ». Ce cheminement a permis la création de la première entreprise française fabriquant des couches lavables en 2004, Lulunature 1.

De nos jours, près de 40 ans plus tard, plusieurs sources de données estiment un marché qui se répartit sensiblement de la même façon qu’en 1980. Le projet Risette scindait le marché en deux segments, le premier avec 97 % de jetables et le second avec 3 % de réutilisables/lavables (V. BONNIN, 2022) 2. Une autre étude récente évoquait le chiffre de 2 % de bébés portant des couches lavables (Compic, 2020). Le Group’hygiène, syndicat des produits à usage unique pour l’hygiène, la santé et le l’essuyage estimait dans une communication de 2015 reprises par l’ANSES en 2019, que depuis près de 20 ans « plus de 95 % des bébés portent des couches jetables » dans l’hexagone. Ailleurs, la pénétration du marché par le jetable est différente. En Grande-Bretagne, en 2007, 20 % des bébés portaient régulièrement ou de temps en temps des couches réutilisables (DE SILGUY, 2007). Ce marché du jetable occidental est verrouillé par deux entreprises américaines : Procter & Gamble et Kimberly-Clark, deux acteurs présents sur ce marché depuis plus de cinquante ans.

Source : Projet Risette, 2022.

Une problématique dans la lumière à la faveur de la REP textiles sanitaires 2024

À l’aube de la future filière REP des textiles sanitaires qui doit naître en 2024, le sujet de la couche jetable devrait prendre la lumière et faire chauffer des neurones cette année. Selon l’étude « Compic » citée auparavant, en France, 3,5 milliards de couches-bébés jetables sont consommées chaque année. C’est la donnée la plus récente trouvée, d’autres sources chiffrent plutôt 3,3 milliards en 2008 (Ademe, 2013) et 3,2 milliards en 2015 (Anses, 2019). Le marché de la couche pour bébé dépend évidemment de la natalité. En 2022 en France, le nombre de naissances a connu son plus bas niveau historique depuis 1946 d’après les données de l’INSEE (Le Monde, 2023). Mais l’avenir du nombre de naissances demeure difficile à prédire selon les interviewés de cet article.

Avant d’être propre vers deux ans et demi (l’âge d’atteinte de la propreté varie dans le monde), un bébé aura produit aux alentours d’une tonne de déchets de couches (Zero Waste France, 2017 ; Arte, 2012). L’Ademe, a retenu elle 750 kg (300 kg/an) pour bébé, ce qui n’est pas exactement pareil. L'Ademe a estimé que le poids de la couche bébé "déchet" est six fois plus important que celui du produit couche bébé neuf (non utilisé). En termes unitaires, l’Ademe a calculé le gisement d’évitement « entre 4,16 et 5 couches par enfant et par jour en moyenne durant 2 ans et demi » 3 (Ademe, 2016). Cette donnée est corroborée par une étude de 2016 cité par l’Anses. Si l’on prend le chiffre de 4,5 couches par jour en moyenne, sur trente mois, cela donne une consommation de 4106 couches usagées jusqu’à la propreté pour un bébé au tout jetable. Le site du Ministère de l’économie distingue une propreté de jour acquise en moyenne à 28 mois, et une propreté plus tardive pour la nuit (Ministère de l’économie, 2022). À l’inverse, des parents adeptes du tout réutilisable doivent faire l’acquisition « d’environ 30 couches » jusqu’à la propreté (Ademe, 2012). L’experte Marianne BERTREL préconise entre 20 et 30 changes en fonction des modèles utilisés et de la fréquence des lessives.

Source image : projet Risette

Les couches bébé jetables contiennent plus de 20 matériaux différents pour les différents éléments qui la compose (voile d’acquisition, corps absorbant, voile extérieur, autres composants types attaches, élastiques, colles…). » (Risette, 2022). Le principal composant une fois usagée, ce sont les excrétas tels que l’urine et les fèces, qui représentent 60 % du total du déchet (Compic, 2020). Cela monte à 75 % de matières organiques biodégradables et compostables en comptant la cellulose (Compic, 2020). Un tel produit nuit immanquablement à l’objectif présidentiel irréaliste de « tendre vers » 100 % de plastique recyclé en 2025. Nous le verrons plus loin, le recyclage matière et/ou organique sont bardés d’inconvénients.

La plupart des couches-bébé finissent donc en enfouissement ou en incinération en France, 99 % vont aux OMR selon l'étude (sortie en juillet) de préfiguration synthétique de la filière textiles sanitaires à usage unique (Ademe et al., 2023). Aussi moins d’1 % du gisement des textiles sanitaires (papiers souillés) est collectée dans les biodéchets ou en tout-venant selon le Modecom 2017. Pourtant, voici ce que déclarait Jill BOUGHTON du département recherche et développement de Pampers (un des leaders mondiaux de la couche), dans le documentaire Couchorama sorti en 2012 « On se dirige vers du zéro déchet provenant des consommateurs, en décharge ». Une déclaration qui a mal vieilli, en tout cas en France.

Dans une étude de 2012, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et d’autres avaient listé pas moins de 27 facteurs d’échec pour le déploiement des couches lavables. Il y en avait de plusieurs sortes, psychologiques, techniques, organisationnels, l’absence de ressources humaines formées, des freins fiscaux… Les auteurs BAILLY et al. mettent en avant deux freins principaux (déjà identifiés par l’étude de 2012) : le développement de « la couche jetable écologique (biodégradable) » & le « soutien très modéré des pouvoirs publics » (Ademe et collectivités locales). Cela nuit aux perspectives économiques des acteurs malgré un contexte de politique publique propice au retour du réutilisable via la définition d’objectifs de baisse des OMA (loi Grenelle) puis DMA (loi TEPCV) et la mise en haut de la prévention en 2008 via la directive européenne. Même chez les « territoires pionniers » cités en exemple par l’Ademe sur la prévention, les actions sur les couches lavables sont moins courantes que celles sur le compostage domestique et partagé, la sensibilisation, le réemploi des objets, les éco-événements ou le stop-pub (Ademe, 2020). Pourtant les textiles sanitaires dont font partie les couches bébé garnissent toujours bien nos poubelles d’ordures ménagères résiduelles.

Les données des Modecom pour s'y retrouver (un peu) avant d'agir

Dans la dernière caractérisation des déchets (Modecom™) de l’Ademe publié en 2017, la part des textiles sanitaires augmente dans les ordures ménagères. Les textiles sanitaires se scindent en deux parties, les papiers souillés (mouchoirs, essuie-tout, lingettes absorbantes, nappes en papier…) et la fraction hygiénique (couches pour bébé/personnes âgées, protections périodique féminines…). Cette augmentation est liée notamment à la baisse des ordures ménagères produites. L’explosion des textiles sanitaires s’est réalisée entre 1993 et 2007 selon cette même source avec 200 % de hausse. Entre 2007 et 2017, la hausse a été de 5 % (la période d’analyse étant plus courte en comparaison).

Source : Ademe, 2017. Modecom.

Les textiles sanitaires représentaient le 3e composant en masse des OMR métropolitaines en 2017 (comme en 2007) avec 35,3 kg/hab. Cela représentait 13,9 % des OMR (254 kg/hab.) et 6,1 % des DMA (580 kg/hab.). Parmi ces 35,3 kg, il y avait 10,7 kg/hab. de couches pour bébé soit 30,3 % des textiles sanitaires. C’était la 2e composante de cette catégorie derrière les papiers souillés. Ces calculs élargis, les couches représentaient 4,2 % des OMR. C’est le seul Modecom™ des trois (1993, 2007, 2017) qui cible spécifiquement les couches bébé.

Source : Ademe, 2017. Modecom.

Quand on compare le Modecom de 2017 à celui qui l’a précédé, c’est-à-dire celui de 2007, on peut remarquer plusieurs choses. La part des textiles sanitaires dans les OMR a pris plus de 3 points de pourcentage de hausse. Au sein de cette catégorie, la part de la fraction hygiénique a baissé de près de six points de pourcentage. Néanmoins, la part des couches pour bébé ne peut être comparée, faute de données en 2007. Seule l’étude Ademe de 2016 fournit une donnée, et permet une approche. Selon ce document, il y avait 9,4 kg/hab. de couches bébé évitable en 2013, ce qui est assez proche des 10,7 kg/hab. du Modecom de 2017.

Graphiques les décheticiens : textiles sanitaires et OMR, comparatifs des Modecom 2007/2017

Le Modecom™ de 1993 n’a pas pu être lu et analysé, néanmoins la caractérisation de 2007 revient sur les données de 1993. Cela permet d’écrire que les TS représentaient 3 % des OMR en 1993 soit 11,9 kg/hab. sur 396 kg/hab d’OMR en 1993. Bien que la méthodologie de diagnostic ait différé entre 1993 et 2007, on peut dire que les TS prenaient bien moins de place dans les OMR en poids et en part vis-à-vis des campagnes de 2007 et 2017. La faiblesse des collectes séparées à l’époque (emballages, papiers, déchèteries) explique aussi le poids des OMR en 1993.

Les auteurs de l’étude Ademe de 2016 concluent à un potentiel de réduction des couches bébés jetables autour d’un kilo/hab./an. La faible part des enfants dans la population, la faible part des parents mobilisable (10 % d’hypothèse dans l’étude) pour utiliser des réutilisables, l’utilisation sous format mixte (alternance jetable/réutilisable) réduit à peau de chagrin le potentiel de réduction. Le potentiel de réduction pondéral réside surtout dans la valorisation des excrétas (urines et excréments) via les eaux usées ou via du compostage à domicile, mais là aussi il y a des freins techniques, culturels, psychologiques…. La couche lavable peut être perçue comme une corvée ou comme un « retour en arrière », pour les femmes notamment (Bailly et al., 2022). Aussi, un conjoint peut être freinant pour adopter des pratiques telles que la mise en place de toilettes sèches ou l’expérimentation des couches lavables (Labbouz et al., 2020). Cette résistance masculine est confirmée par l’experte des couches lavables, Marianne BERTREL, dans son livre cité plus loin.

Si les données s’affinent, se confirment au fur et à mesure des années, il reste quelques incertitudes. Ces données sont encore moins présentes pour les couches hybrides ou 100 % réutilisables.

Les solutions au problème : le réutilisable/lavable, le recyclage organique ou matière, l’éducation à la propreté, la politique…

L’enfouissement a des objectifs nationaux de réduction pour les déchets non dangereux, l’incinération n’en a pas. Mais brûler de tels déchets ayant un fort taux d’humidité contrevient à la logique calorifère de sa valorisation en énergie. Ainsi, d’autres pistes pour améliorer la situation actuelle émergent, parmi lesquelles le recyclage matière et/ou organique. En 2012, voici ce que disait le professeur Michel VERT, directeur de recherche au CNRS, spécialiste des polymères dégradables, à propos du recyclage matière : « Le recyclage pour l’instant je ne pense pas que ce soit la solution » (Arte, 2012). Il s’exprimait au regard des nombreux composants des couches.  Le projet Compic a obtenu plusieurs résultats intéressants sur la possibilité de composter ou méthaniser des couches conventionnelles. Cependant des freins persistent, par exemple, la présence des polymères super absorbants, d’indésirables plastiques et de pathogènes dans le compost final. Aussi ce compost final ne répondrait pas à la norme NFU 44 051 (dont des critères devraient être durcis prochainement). De surcroît, le compostage d’excrétas humains fait l’objet d’un flou/vide juridique qu’il est nécessaire de régler explique l’étude. Plusieurs bénéfices environnementaux, vis-à-vis de l’enfouissement et l’incinération, ressortent de cette étude. C’est le cas notamment si le compost retourne au sol (ce qui n’est pas envisageable aujourd’hui). In fine, l’étude conclut à la nécessité de tendre vers des couches écoconçues 100 % compostables en filière industrielle (EN 13 432), tout en réalisant de nouvelles évaluations scientifiques sur les aspects techniques, sanitaires, et environnementaux. Car les modèles de couches écoconçues compostables sont balbutiants à l’heure actuelle. L’étude ne chiffre pas les coûts économiques de tri et valorisation d’une telle filière, et elle passe sous silence la permanence du règne de l’usage unique.

Illustration du guide de Marianne BERTREL sur les couches lavables.

En termes de coûts, selon ZW France, "pour un enfant, la couche jetable coûtera 1500 € en moyenne. Une couche lavable coûtera 300 à 800 € et sera réutilisable." Marianne BERTREL, autrice d’un guide sur les couches lavables arrive à un constat sensiblement similaire. Ces coûts ne prennent pas en compte le coût par foyer de la collecte et du traitement liée aux déchets d’ordures ménagères pour les jetables. Les couches lavables peuvent être réutilisées pour un second enfant. Et en fin de vie, pour 30 couches, il faudrait compter 4,5 kg de textiles à déposer pour recyclage en borne de collecte par exemple 4.

Photo d'une couche jetable pesée : 31g

Sur l’écoconception, les gains pondéraux de la jetable semblent être davantage derrière que devant nous. Jill BOUGHTON de Pampers déclarait dans le documentaire Couchorama de 2012 « Ces vingt dernières années je pense, nous avons divisé le poids de la couche. Ça dépend des pays mais jusqu’à 50 % ». Cette déclaration est corroborée par les affirmations des représentants d’intérêts du secteur (Edana ; Group’hygiène) à l’ANSES (p. 119). Graphique à l’appui, ils affirment que le poids moyen d’une couche jetable est passé de presque 65g à la fin des années 1980 à 33,3g en 2013.L’allégement du poids des couches a été rendu possible notamment grâce au développement du polyacrylate de sodium, ce super absorbant des couches qui se développa dans les années 1970, en remplacement de la pulpe de papier cellulosique, plus lourde. Sur le seul critère du poids, les couches lavables sont plus lourdes. Pour comparer l’ensemble des critères environnementaux de la couche réutilisable et la couche jetable, il faut réaliser une analyse de cycle de vie (ACV) multi-étapes et multicritères (énergie, eau, pollution des eaux…). De telles ACV ont été réalisées et ont menées à de nombreuses controverses sur leurs sincérités du côté des lobbies et des associations aux États-Unis et en Grande-Bretagne. En France, l’Ademe n’a pas voulu se mouiller (BAILLY et al., 2022). Néanmoins, le projet « Risette » publié récemment dans la librairie numérique de l’Ademe a comparé un modèle éconconçu hybride (jetable et réutilisable) sur différentes étapes avec un modèle commercial jetable. Ce projet permettrait de diminuer les impacts environnementaux de la couche sans transferts d’impacts (à l’utilisation par exemple : énergie, lavage). Il a été retenu, comme critère, l’utilisation d’une enveloppe et d’une partie absorbante en matière recyclée (coton ou PET recyclé) venant de moins de 500 km (Belgique, France et Italie) et un voile de protection en matière naturelle jetable. Ce produit devrait arriver sur le marché en 2023 selon l’étude, mais V.BONIN, contacté pour cet article, a indiqué que le projet était arrêté pour le moment « faute de viabilité économique » et faute de fabricant capable de produire cette couche écoconçue.

Sur la prévention de la toxicité pour l’Homme uniquement, les couches jetables 5 ont été étudiées par l’Anses dans un avis rendu en 2019 sur la composition des couches et les pathologies pouvant y être associées (Anses, 2019). L’agence pointait notamment la « rareté des publications scientifiques indépendantes ». Elle constatait la difficulté à connaître la composition des couches jetables car les données sont fournies par les professionnels. Mais elle repéra des contaminants tels nanoparticules de silice, des COV, des pesticides dont certains interdits dans UE, des dioxines, des furanes, etc, sans pouvoir identifier facilement la source. Ces polluants étaient présents dans les couches conventionnelles comme dans les couches jetables « dites écologiques ». Dans ces conclusions, l’Agence ne reliait pas ces substances dangereuses, et le dépassement des seuils pour certaines, à des incidences sanitaires liées au port de ces couches. Néanmoins, elle indiquait « il n’est pas possible d’exclure un risque sanitaire ». Elle recommandait de mieux encadrer la composition, l’utilisation et la fabrication de ces produits à usage unique au niveau européen, via le règlement REACH notamment. Depuis l’État français a poussé pour exclure plusieurs substances dangereuses de la composition des couches à l’échelle européenne, avec une volonté de les interdire du marché européen en 2024 (Anses, 2020). Depuis cet avis de l’ANSES, la DGCCRF a mené plusieurs contrôles sur des couches, ceux-ci concluent à une baisse des contaminants recherchés.

Un mix de solutions est nécessaire. Une étude réalisée pour le compte de l’Ademe fait ressortir 16 solutions pour réussir localement le lancement des couches lavables. Celles-ci vont des plus basiques comme proposer le choix du réutilisable localement, à la nécessité d’informer, de médiatiser, d’être exemplaire pour la collectivité, de soutiens financiers des pouvoirs publics… (Ademe, 2012).

Sur ce sujet, la Région Hauts-de-France détient le 2e plus haut taux de natalité de France, derrière l'Île-de-France 6 (INSEE, 2022). Les décheticiens s'est focalisé sur cette Région pour observer l'implantation des couches lavables chez les EPCI à compétence déchets. Sur soixante-huit EPCI dont le site Internet a été visité entre décembre et janvier 2023, seuls cinq EPCI offrent une solution pour que bébé ait des couches réutilisables, soit 7,3 % des EPCI 7. Trois EPCI offrent une solution à la fois pour les ménages et pour les professionnels de la petite enfance (Symevad, Sirtom du Laonnois et CA de Château-Thierry). L'aide se traduit pour les cinq EPCI par une aide à l'achat, ensuite vient la proposition d'un kit d'essai. Ces deux solutions sont parfois proposées concomitamment.

L’avenir n’est probablement pas le marché français pour les fabricants de couches jetables. C’est un petit marché où les naissances baissent depuis une dizaine d’années à en regarder les statistiques de l’Insee sur la fécondité. Les perspectives de développement sont ailleurs, dans les pays émergents (Asie notamment) mais également sur d’autres fessiers. En France, le regard porté ici sur le popotin des bambins ne doit pas occulter celui de nos anciens. Avec 1,7 milliards de couches jetables pour adultes et une population vieillissante, il ne faudrait pas battre en retraite sur ce sujet qui pourrait de plus en plus nous emmerd…

Sources

Ademe, 2012. Capitalisation sur les expériences « couches lavables » en France.
Ademe, 2013. Chiffres clés sur les couches jetables et lavables.
Ademe, 2020. COMPIC : étude de la valorisation des couches usagées par compostage. 152 pages
Ademe, 2016. Etude d’évaluation des gisements d’évitement, des potentiels de réduction de déchets et des impacts environnementaux évités.
Ademe, In Extenso Innovation Croissance, Take a Waste et Government Healthcare2023. Etude de préfiguration de la filière REP appliquée aux textiles sanitaires à usage unique. 24 pages.
ADEME, Dominique Traineau, ECOGEOS, Quentin Missir, Marta Matias Mendes, Marine Guyomard, Marius Rondel, Victoria Vancauwenberghe, ZERO WASTE France, Laura Chatel, Pauline Debrabandere. 2019. Territoires pionniers de la prévention des déchets – Synthèse de l’étude. 48 p.
Ademe, 2010. La composition des ordures ménagères et assimilées en France. 62p.
Ademe, 2012. Les fiches techniques de l’Ademe. Impacts environnementaux des couches pour bébés.
Amorce, 2023. Démarrage des travaux de la future REP sur les textiles sanitaires.
Anses, 2020. Couches jetables l’Anses propose une restriction des substances chimiques dangereuses pour toute l’Union européenne
Anses, 2019. Sécurité des couches pour bébé.
Arte, 2012. Couchorama. 52 min.
Bailly V., Barbier R. et Daniel F-J., 2022. La prévention des déchets : Innovations sociales, action publique et transition sociotechnique. Editions Peter Lang, 348p.
BERLINGEN F., 2022. Permis de nuire. Sous le règne des pollueurs payeurs. Éditions Rue de l’échiquier, 89p.
BERTREL Marianne, 2021. Le guide complet des couches lavables. Éditions Thierry SOUCCAR. 120p.
CNIID, 2009. Couches pour bébé : écolo dès le berceau.
Delphine Labbouz, Gaëtan Brisepierre, Laurent Auzoult, Cédric Borel, 2020, Rapport du projet de recherche Transphères : transferts de pratiques environnementales entre les sphères professionnelles
et personnelles, 152 pages.

DE SILGUY C., 2009. Histoire des hommes et de leurs ordures du Moyen Âge à nos jours.
Delphine Labbouz, Gaëtan Brisepierre, Laurent Auzoult, Cédric Borel, 2020, Rapport du projet de recherche Transphères : transferts de pratiques environnementales entre les sphères professionnelles et personnelles, 152 pages
Insee, 2022. Taux de natalité et âge moyen de la mère à la naissance en 2021, et nombre de naissances en 2020 Comparaisons régionales et départementales.
Le Monde, 2023. Naissances au plus bas, espérance de vie qui stagne : la démographie française percutée par le Covid-19.
LSA Conso, 2021. Pampers lance les premières couches mi-réutilisables, mi-jetables.
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Couches pour bébé à usage unique.
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Substances chimiques dans les couches pour bébé : la dernière enquête de la DGCCRF confirme l’amélioration de la qualité des produits
Vincent BONIN, 2022. Projet RISETTE – Note de synthèse - Repenser la couche bébé par l’éco-conception. 60 pages.
Zero Waste France, 2017. Le scénario zero waste 2.0. Éditions rue de l’échiquier. 128p.

  1. il existe d’autres marques, Hamac, bambino mio…[]
  2. L’étude Ademe de 2016 mentionnait 5 % de pratiquants de la couche lavable sans référence précise[]
  3. Bébé aura tendance à utiliser 7 à 8 couches/jour les premiers mois contre 1 à 2 couches les derniers mois[]
  4. Le CNIID, ancêtre de ZW France avait calculé un poids moyen de 150g pour une couche lavable[]
  5. les couches réutilisables n’ont pas été visées[]
  6. Le taux de natalité est le rapport du nombre de naissances vivantes de l'année à la population totale moyenne de l'année, selon la définition de l’INSEE[]
  7. tableau en fichier joint[]
Nota bene : cet article a été publié à une date qui correspondait peut-être à l’époque à un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Les informations qu'il vous propose ne sont peut-être plus à jour. En cas d’erreurs ou d’inexactitudes, merci d’aider à les corriger en me communiquant vos remarques et commentaires.
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commentaires

2 comments on “Les couches bébés jetables continuent de faire chier”

  1. TEXTE FORTEMENT ORIENTE, SANS VERITABLE BASE SCIENTIFIQUE ET OCCULTANT CERTAINS ASPECTS DU PROBLEME COMME L'ECO-BILAN COMPLET (eutrophisation des rivières causée par les déchets et les détergents). EN OUTRE, L'ARTICLE IGNORE LES DERNIERS PROGRES DES COUCHES JETABLES...

    1. Bonjour, les sources citant l'ANSES sont scientifiques notamment. L'article parle de l'ACV, ce que vous appelez l'éco-bilan complet. De quels progrès parlez-vous ? je vous invite à faire un article complet sur la couche jetable si vous voulez Michel, et le faire publier par une publication scientifique éventuellement.

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