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Elections régionales : l'heure du tri électif. Les propositions des candidats d'Île-de-France passées au scanner.

Tri sur une aire de repos de l'A20
Par MESLARD-HAYOT Hugo le 12/06/2021
1ère Mise à jour (MAJ) le 21/06/2021
Les élections régionales vont se dérouler le 20 et 27 juin 2021. Au sujet des déchets, la Région a hérité depuis la loi Notre de 2015 de la compétence de planification en matière de prévention et gestion des déchets. Des candidats aux élections régionales en Île-de-France y vont de leurs propositions.

Analyses pour l'Île-de-France : priorité au zéro déchet à gauche, priorité à la propreté à droite

Les candidates et candidats sont prêts, les propositions aussi, plus ou moins nombreuses, plus ou moins fouillées. Voici ci-dessous les propositions détritiques des candidates et candidats aux élections régionales en Île de France, par ordre alphabétique des patronymes. D’autres propositions transversales sur l’écologie, la formation, l'emploi, etc, peuvent concerner les déchets, par exemple dans le budget participatif francilien. Néanmoins les mesures listées ci-après sont celles faisant explicitement références aux déchets. Certaines peuvent simplement reprendre des mesures inscrites dans le PRPGD d’île de France, les décheticiens n’a pris le temps d’analyser les centaines de pages du plan.

Photographies des candidats en Île de France. En haut de gauche à droit : Nathalie ARTAUD, Clémentin AUTAIN, Julien BAYOU.
En bas de gauche à droite : Audrey PULVAR, Laurent SAINT-MARTIN, Valérie PECRESSE, Jordan BARDELLA (cc actu.fr)

Nathalie ARTHAUD (lutte ouvrière) :
Aucune proposition n’a été faite sur les déchets, rien n’apparaît en ce sens sur le site de la candidate et porte-parole de lutte ouvrière : https://www.nathalie-arthaud.info/

Clémentine AUTAIN (La France insoumise) :
Dans son livre-programme "Pouvoir vivre en Île-de-France", l'autrice-candidate écrit dans son premier chapitre nommé « Cent jours pour un choc de solidarité », vouloir créer des « emplois solidaires » concernant « le BTP, le maraîchage, l’aide à la personne, le soutien scolaire, le recyclage… » pour créer des emplois locaux non délocalisables et faire face à la pénurie de candidats dans certains secteurs essentiels.

Dans un deuxième chapitre programmatique sur la « bifurcation sociale et écologiste », elle écrit vouloir « avancer vers une région zéro déchet, créer des lieux et une filière professionnelle pour la réparation ». Plus loin dans ce chapitre, elle consacre près de quatre pages et demie à une sous-partie intitulée « Investir dans le recyclage et la réparation », pour sortir de la société du jetable notamment. Plusieurs propositions sont faites dans ces pages :

  • « Bâtir un véritable service public régional de la réparation » ;
  • « Pour se fixer des objectifs conséquents de réduction des déchets et s’attaquer à l’obsolescence de nos équipements, nous souhaitons doubler l’offre de réemploi, réutilisation et réparation à l’intention des Franciliens d’ici à 2021."

La candidate explique que le service public de la réparation doit reposer sur quatre missions, que voici :

  • « D’abord, la planification d’un véritable accès local à des ressourceries/recycleries dans chaque bassin de vie, c’est-à-dire l’implantation en lien avec les collectivités et les acteurs locaux de lieux dédiés à la collecte, la réparation, le réemploi d’équipements et de biens » ;
  • « Ensuite, le service public devra s’appuyer sur la création d’un centre de formations d’apprentis (CFA) dédiés aux métiers de la réparation. » ;
  • « La Région devra ainsi, en partenariat avec les collectivités organiser la mise en réseau des entreprises qui proposent des solutions de réemploi au travers des établissements publics de coopération intercommunaux, car le marché, laissé à lui-même ne pourra pas poursuivre un tel objectif » ;
  • « Enfin, dans la politique d’aide régionale envers les industriels, nous fixerons des conditions qui orientent les activités économiques en établissant par exemple des objectifs de lutte contre l’obsolescence programmée, la mise à disposition de listes des pièces détachées qui composent les biens et équipements ».

Une dernière proposition pour les cantines des lycées est ainsi rédigée « La Région cherchera […] à organiser la lutte contre le gaspillage alimentaire ». En réalité, la loi TEPCV de 2015 et « Egalim » de 2018 imposent déjà aux collectivités de mettre en œuvre un diagnostic et une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire. Peut-être la candidate insinue-t-elle qu’actuellement cela est désorganisé, ce ne sont que des supputations des décheticiens.

La candidate évoque le recyclage mais ne fait finalement aucune proposition à son sujet dans son livre.

On retrouve dans ces propositions une sémantique chère à la France insoumise et à son candidat déclaré à l'élection présidentielle, Jean-Luc MELENCHON, par exemple l'expression « bifurcation écologique », le mot « planification ». On retrouve ces termes dans le programme l’avenir en commun. Néanmoins, Clémentine AUTAIN se démarque avec des mesures différentes de celles présentées dans le dernier cahier de l’avenir en commun sur la planification écologique. Une seule proposition se rapproche de celle du candidat à la présidentielle, elle veut lutter contre l’obsolescence programmée quand les cahiers de l’avenir en commun indiquent vouloir « l’abolir ».

Le programme n’évoque quasiment que des mesures de prévention des déchets, mais oublie totalement d’autres thématiques, comme les biodéchets, l’utilisation d’instruments économiques comme la tarification incitative, l’exemplarité de la collectivité ou encore les déchets d’activité économique et du BTP (si tant est que le réemploi évoqué ne les prennent pas en compte).

Jordan BARDELLA (Rassemblement national) :

Au 12 juin 2021, Jordan BARDELLA n'avait pas de programme publié sur son site Internet de campagne : https://2021bardella.fr/ [MAJ n°1] Au 20 juin 2021, finalement un programme de 4 pages a été publié sur le site Internet de campagne du candidat. Aucune proposition n'est faite sur les déchets.
Les documents de campagne sur le site Internet (tract et affiche) ne font aucune référence au déchet.

Affiche de campagne du candidat Bardella aux élections régionales de 2021 (cc 2021 Bardella)

Julien BAYOU (Europe Ecologie Les Verts) :
Les trois premières mesures qui apparaissent dans son programme sont les suivantes :

  • Sur la rénovation du bâti francilien, il veut « reconstruire la ville sur la ville » avec des matériaux recyclables. »
  • Pour relocaliser l’économie, « la relance économique ciblera en priorité » « la réduction des déchets et l’économie circulaire » ;
  • Toujours dans la partie relocaliser l’économie, le troisième sous-titre est « prévenir, gérer et réutiliser les déchets » :

Il détaille un peu plus sa stratégie sur la prévention des déchets dans la suite de son programme :
« Les écologistes mettent en place une stratégie globale de prévention et de réduction des déchets à la source en révisant le document régional de gestion des déchets (PRPGD) et en  mettant en place des plans de lutte contre la surconsommation (par exemple, remplacer progressivement la dépendance à la grande distribution par un renforcement des AMAPs et des marchés de producteurs : autant d’AMAPs que de Franprix en Île-de-France). » 

Il poursuit plus loin sur l’économie circulaire en ciblant des secteurs prioritaires :
« Les écologistes veulent détourner 30 millions de déchets gâchés par an en Île-de-France pour en faire de véritables ressources pour la Région. Nous voulons structurer la filière de l’économie circulaire en ciblant des secteurs clefs comme le textile ou le bâtiment. »

Dans un autre paragraphe, le candidat BAYOU déclare vouloir mettre en place :
« une filière de traitement des biodéchets privilégiant les plateformes de compostage plutôt que les méthaniseurs. »

Affiche de campagne de Julien BAYOU

Pour finir le candidat EELV égrène les mesures :

  • Rendre le tri plus accessible : 1 poubelle pour 1150 habitants (au lieu d’1 poubelle pour 2300)
  • Une ressourcerie pour 10.000 habitant·es
  • Développer le vrac et la consigne en soutenant les initiatives locales et en aboutissant à une filière régionale de consigne pour le réemploi
  • Structuration de filières de la réparation et du réemploi en priorité pour le textile, l’ameublement, les EEE et le BTP
  • Plan de lutte contre le gaspillage alimentaire et généralisation du compostage des déchets de la restauration, y compris collective
  • Compostage de proximité dans les lycées et accompagner les communes qui souhaitent mettre en place ce dispositif dans leurs écoles primaires
  • Plateforme de compostage pour les restaurateurs 
  • Financer des études pour déployer la tarification incitative en matière de gestion des déchet, mise en place en 2030
  • Zéro enfouissement en Île-de-France dès le début de la mandature 
  • Abandon progressif de l’incinération, y compris en valorisation énergétique
  • Zéro installation de tri mécano biologique
  • Un Conseil régional exemplaire : zéro plastique jetable au siège de la région, dans les lycées et dans toutes les agences régionales.

Le candidat semble vouloir développer des mesures déjà existantes en agissant d’abord pour la prévention des déchets. La plupart des thématiques de réduction des déchets sont évoquées (biodéchets, réemploi, gaspillage alimentaire…), les textiles sanitaires (couches lavables, hygiène féminine) ont été oubliés. Sur les biodéchets, il évoque uniquement le compostage en établissement pour le compostage de proximité, oubliant le compostage domestique et partagé. Sa priorisation des plateformes de compostage est en ligne avec la stratégie française sur la biomasse qui a théorisé une hiérarchie des usages lors du grenelle de l’environnement. Cette hiérarchie non prescriptible juridiquement recommande de valoriser la biomasse pour la sécurité alimentaire d’abord (pour faire des aliments, pour nourrir les sols) avant de l’utiliser pour notre indépendance et sécurité énergétique (biocarburant, gaz, chaleur, électricité).

Il est le seul candidat à évoquer la tarification incitative. La Région IDF 1 est très en retard sur le sujet, en 2019, 1 % de la population (environ 115 000 habitants) est couverte par ce mode de financement contre 7 % au niveau national selon l’ORDIF (deux territoires en REOMI et deux en TEOMI). Le PRPGD fixe un objectif de 360 000 habitants couverts en 2020 et 1 800 000 en 2025 selon l’ORDIF. L’ORDIF projette que 193 653 habitants seront couverts en 2023 donc l’objectif 2020 du PRPDG n’est de facto pas respecté. L’observatoire régional qualifie la mise en œuvre de la tarification incitative de « timide ». Pour rappel, la loi ROYAL de 2015 2 fixe un objectif de généralisation de ce type de tarification en France, avec 25 millions d’habitants assujettis en 2025.

Les mesures sur la fin des deux filières d’élimination semblent utopiques, pour les DMA par exemple. La fin de l’enfouissement pourrait s’appliquer pour les 11,5 % de déchets non dangereux et 0,8 % de déchets inertes ménagers et assimilés. En revanche, il y a un grand pas à franchir pour ne plus enfouir de déchets inertes alors qu’il y avait 15 installations de stockage de déchets inertes en Île de France en 2018, selon l’ORDIF toujours.

Filières de traitement des DMA en IDF (ORDIF, 2021).

Aussi, pour l’incinération plus de 90 % des plus de trois millions de tonnes d’OMR produites dans la Région étaient incinérées en 2019. Il va falloir mettre les bouchées doubles pour augmenter le rythme de baisse des OMR qui était de près de 1% par an entre 2010 et 2019, et ainsi mettre fin à leur incinération.

Source : ORDIF, 2021

Enfin sur le tri mécano biologique, ce mode de traitement a presque disparu en Île de France.

Valérie PECRESSE (Libres ! Présidente sortante) :
L’actuelle présidente de Région propose des actions sur la propreté et sur l’économie circulaire :

  • Poursuite du fonds propreté de 20 millions d’€ pour aider les maires à nettoyer leurs communes 3 ;
  • Financement de la vidéo-verbalisation et remise en état des sites pour éradiquer les déchèteries illégales ;
  • Ouverture de « déchetteries » 4 à moins de 15 minutes des grands chantiers et demande du triplement des amendes pour les contrevenants ;
  • Recyclage des millions de mètre cube du Grand Paris Express en buttes végétalisées, murs antibruit et matériaux de construction.
  • Création d’une plateforme francilienne du réemploi des matériaux professionnels ;
  • Financement d’initiatives innovantes pour la seconde vie des objets usagés (surcyclage).

Certaines mesures ont été dites lors de l’émission « Complément d’enquête » de mars 2021. Dans cette émission, elle déclare vouloir ouvrir de nouvelles "décharges" 5 (légales) également. La Présidente s’inquiète notamment du coût des déchets sauvages « 10 €/hab/an en Île de France » Mme PECRESSE n’évoque pas le coût moyen de 129 €/hab/an par an payé en 2019 par un usager francilien (soumis à la teom 6) pour le service public de prévention et gestion des déchets.

ORDIF, 2021.

L’actuelle Présidente de Région fait de la propreté sa priorité bien que ce soit une compétence communale la salubrité publique depuis la loi municipale de 1884. Elle est la seule Région à aller au-delà de ses prérogatives, en aidant sous conditions les collectivités (mais aussi quelques exploitations agricoles) avec un budget propreté dédié. Elle propose de la prévention des dépôts sauvages avec les déchèteries (semble-t-il professionnelles), et de la sanction pour les fautifs. Le ciblage des déchets professionnels et de ceux du BTP apparaît cohérent car ce sont les déchets les plus pondéreux de la Région. En matière de prévention, les mesures se cantonnent à l’allongement de la durée de vie des produits.

Audrey PULVAR (soutenue par le parti socialiste, le parti radical de gauche, place publique, les écolos solidaires, le mouvement républicain et citoyen, et la gauche républicaine et socialiste) :

A l’instar du candidat Julien BAYOU, la candidate Audrey PULVAR fait de la prévention des déchets une priorité, voici un des sous-titres de son programme : « Une région circulaire : objectif zéro déchet ».

Affiche de campagne d'Île-de-France en commun

Dans les trois premiers paragraphes qui suivent ce sous-titre, les deux premiers sont intitulés ainsi : « Nous réduirons les déchets à la source » et « nous favoriserons le réemploi ». Voici les propositions qu’ils contiennent :

  • « Nous développerons les actions de sensibilisation, notamment dans les lycées. Nous soutiendrons les programmes locaux de réduction des déchets, par exemple les initiatives visant à proscrire l’usage unique du plastique, à mobiliser des collectifs citoyens ou des quartiers dans une perspective « zéro déchet » et à lutter contre le gaspillage alimentaire. »
  • « Nous soutiendrons le développement d’un réseau fin de structures du réemploi sur tout le territoire francilien : ressourceries, recycleries, ateliers d’auto-réparation, etc., car ces structures sont porteuses d’un nouveau modèle de développement, d’emplois locaux et de lien social. Nous promouvrons les expérimentations de consigne pour réemploi auprès des entreprises franciliennes. »

Le dernier paragraphe évoque lui "le tri et le recyclage" :

  • « Nous renforcerons encore les pratiques de tri dans les lycées et les bâtiments régionaux pour être exemplaires. »
  • « Nous valoriserons l’utilisation des déchets de chantier dans la construction, le recyclage des déchets textiles et des équipements électroménagers. »
  • « Nous favoriserons la création d’une véritable filière de valorisation des bio-déchets, qui structure des collectes industrielles ou intermédiaires, ses débouchés de méthanisation, un réseau de plateformes de compostage qui couvre le territoire régional, et l’utilisation de leur produit pour revitaliser les sols de la Région. »

Sur l’aspect préventif, la candidate annonce en creux vouloir aider les collectivités qui ont un PLDPDMA sur leurs actions en faveur de la réduction des déchets. A l’instar des candidats Autain, Bayou et Pécresse, Audrey PULVAR veut développer le réemploi.

Sur la gestion des déchets, l’exemplarité est invoquée pour le tri des déchets, quand le candidat BAYOU parle de prévention des plastiques jetables à ce sujet. La valorisation des déchets de chantier dans la construction s’apparente à la proposition de V.PECRESSE.
Pour les biodéchets, la candidate occulte la gestion de proximité et souhaite créer une filière qui existe déjà. Par ailleurs, elle ne privilégie pas le compostage sur plateforme vis-à-vis de la méthanisation contrairement à Julien BAYOU, mais semble vouloir qu'elles co-existent sur le territoire.

Laurent SAINT-MARTIN (candidat LREM, soutenue par le MODEM, AGIR, territoires de progrès) :
Dans la partie « envie de nature », sous le sous-titre « zéro déchet pollution », voici l’engagement du candidat :

« Avec les élus locaux, et en les soutenant, nous mettrons fin aux dépôts sauvages. Nous ferons de la lutte contre ce fléau l’un des axes majeurs de notre action contre toutes les formes de pollution, en parallèle d’une politique de gestion durable des déchets. »

La proposition est laconique, le candidat souhaite faire de la propreté une priorité comme la Présidente actuelle.

Affiche de campagne d'Envie d'ïle-de-France

En résumé, les candidats de droite (opinion de l'auteur et d'observateurs de la vie politique)7, Laurent SAINT-MARTIN et Valérie PECRESSE, évoquent la propreté comme priorité quand les candidats de gauche évoquent la réduction des déchets. Ces derniers a contrario ne proposent rien sur la propreté. Là est la ligne de démarcation. Le candidat BAYOU est celui qui propose le plus de mesures, sans indiquer le budget qui y sera dédié.
Aucun candidat n’évoque de mesure précise sur la réduction de la nocivité des déchets, deuxième pan de la prévention avec celui de la réduction de la quantité des déchets. Aucun candidat n’évoque une quelconque évolution du budget déchets à la Région, ni l’éventuelle utilisation des fonds en cohérence avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets.

Le rôle de la Région Île-de-France dans la gestion et la prévention des déchets

Selon la page wikipedia qui lui est dédiée, l’Île de France est la Région administrative la plus peuplée, la plus densément peuplée avec plus de 12 millions d’habitants. C’est également la Région qui produit le plus de richesse si l’on retient le PIB comme outil de mesure. Un des objectifs pour réduire les déchets à toutes les échelles géographiques est de décorréler la croissance économique et démographique avec la production de déchets.

En matière de déchets, la Région Île de France finance des actions concernant la prévention des déchets, l’économie circulaire et la propreté. Deux dispositifs de soutien financier co-existent en 2021 dans le budget principal :
- Le premier vise à financer des actions en faveur du zéro déchet et de l’économie circulaire. Ce fonds de soutien est doté de 10 millions d’euros ;
- Le second vise à financer des actions en faveur de la propreté, de la prévention et la lutte contre les déchets sauvages. Il est doté de 3 millions d’euros.
Aussi, 878 000 € sont budgétés en 2021 pour les dépenses de fonctionnement 8. Dépenses d’investissement et de fonctionnement mêlées la part des déchets dans le budget de 4,5 milliards d’euros est de 0,24 %. Le transport domine le budget avec un poids de 1,8 milliards d’euros au total. Même parmi les thématiques environnementales, le budget déchet reste très peu élevé. Ce n'est pas spécifique à la Région IDF, puisque l'analyse de trois budgets régionaux fait ressortir que cette thématique représente moins de 0,5 % du budget régional.

La Région IDF propose des appels à manifestation d’intérêt, des appels à projet par exemple pour mobiliser les acteurs du territoire (associations, entreprises, collectivités…) sur ces sujets.

Aussi, la région francilienne accompagne les collectivités sur diverses thématiques telles que le tri à la source des biodéchets, le changement de comportement, la formation. Elle accompagne également les entreprises et les maîtres d’ouvrage sur des solutions de consigne, de vrac par exemple. Par exemple, dans le cadre de son PRPGD et de sa stratégie régionale en faveur de l’économie circulaire, la Région a apporté une subvention de 150 000 € 9 à la création du premier centre francilien de lavage pour réemploi des emballages, créé par la société Uzaje. Malgré ces actions, la situation détritique évolue peu en Île de France, et les objectifs de prévention risquent de ne pas être atteints.

Selon l’observatoire régional des déchets d’Île de France (ORDIF), en 2019 un francilien produisait 465 kg de déchets dont 283 kg d’ordures ménagères, 59 kilos d’emballages et papiers, et 124 kilos d’occasionnels collectés en déchèterie ou non (encombrants, déchets verts, gravats…). Comparativement à l’échelle national, la production de déchets ménagers et assimilés francilienne (DMA) est moins forte, la production d’ordures ménagères est plus élevée et la production de déchets occasionnels moins élevée.
Ce ratio a baissé depuis l’année 2000 mais il est reparti à la hausse depuis 2016. En valeur absolue, la quantité de déchets ménagers et assimilés (DMA) comme de déchets d’activités économiques (DAE) était de près de 6 millions de tonnes chacun en 2014 et 2015. Les DMA et DAE sont négligeables vis-à-vis des déchets du BTP qui étaient estimés en 2015 à 33,5 millions de tonnes.

Concernant les objectifs de prévention des déchets, le PRPGD a fixé un objectif de 428 kg/hab/an en 2025. Le respect de l’objectif national de baisse de 15 % de la production de DMA en 2030 par rapport à 2010 implique d’atteindre 404 kg/ahab/an en 2030. Aussi, à l'avenant du résultat politique national, la Région ne devrait pas atteindre l’objectif de baisse de 10 % des DMA entre 2010 et 2020 fixé dans la loi TEPCV de 2015, puisqu’en 2010 et 2019, la baisse a été de 3 %.

Pour rappel, le plan régional est opposable et les objectifs de baisse de la production de déchets fixés par ce dernier s’imposent aux syndicats et collectivités. Néanmoins la non-atteinte de ces objectifs comme la non-atteinte des objectifs nationaux n’entraînent pas de sanction pécuniaire. A l'inverse, des usagers peuvent être eux sanctionnés en cas de non respect du tri comme en territoire de Belfort (France bleu, 2017). Une asymètrie de la sanction qui pose question (opinion personnelle).

ORDIF, 2021.

Aussi, en 2019, un peu plus d’une collectivité sur deux a adopté un PLPDMA alors que celui-ci est obligatoire depuis 2012 (article L. 541-15-1 du code de l'environnement).

Zero Waste France fait ses recommandations

L’association nationale qui milite et agit pour la réduction des déchets a lancé une campagne pour les élections régionales afin d’interpeller les candidats et faire peser le sujet déchets dans le débat. Zero Waste France préconise de passer à l’action plutôt que de passer du temps à réviser les PRPGD qui viennent d’être adoptés pour la plupart 10. Elle a transmis ses recommandations aux candidats.

Voici quelques-unes d’entre elles :

  • Orienter les moyens financiers et humains pour financer des opérations de réduction de déchets (par exemple mettre en place des appels à projets pour du vrac, du réemploi, de la réparation, allouer des fonds européens à la prévention, financer les formations d’élus et techniciens).
  • Impulser la démarche de réduction des déchets auprès des acteurs locaux comme les collectivités en animant un réseau et en diffusant les bonnes pratiques ;
  • Soutenir la constitution d’une filière régionale sur le tri à la source des biodéchets en facilitant et maillant le territoire d’installation de traitement des déchets tels que des plateformes de compostage et des unités de méthanisation ;
  • Soutenir le développement d’une filière de réemploi pour les emballages en verre ou les contenants de vente à emporter ;
  • Développer l’exemplarité de la Région sur le tri à la source des biodéchets, la suppression de l’usage unique, l’inscription dans la commande publique de critères de prévention.

La première recommandation est sûrement la plus importante, la prévention des déchets est sous-financée par l’Ademe (l’État donc) et les collectivités territoriales vis-à-vis des autres modes de traitement, notamment le recyclage.

Pour la seconde recommandation, il existe le réseau A3P à l’échelon nationale qui est piloté par l’Ademe. Des réunions sur la prévention regroupent régulièrement en Région des techniciens, des élus, etc, des collectivités et syndicats. La création d’un nouveau réseau régional pourrait être redondant avec ce qui existe déjà donc. Les sollicitations de divers réseaux peuvent déjà s’avérer assez nombreuses (opinion personnelle).

Pour la proposition suivante, Zero Waste France semble oublier le compostage de proximité qui est une filière à part entière qui se structure d’années en années sous l’égide de l’Ademe et du réseau compost citoyen notamment. Néanmoins, il semble a priori essentiel que des structures de traitement industriel des biodéchets co-existent (plateforme agréée de compostage, méthanisation) avec la filière de gestion de proximité.

Pour la quatrième proposition, ZW France prend une position légèrement différente du réseau consigne qu’elle a participé à faire naître. Le réseau consigne s’est positionné sur le réemploi de divers types de contenant (inox, plastique, verre) et non pas seulement le matériau verre.

Les parutions des livres Océan plastique de Nelly PONS, les plastiqueurs de Dorothée MOISAN, Plastique le grand emballement de Nathalie GONTARD ou encore le rapport de l’OPECST sur la pollution plastique inviteraient grandement à la prudence sur le réemploi du plastique pour un usage alimentaire. Le principe de précaution est évoqué à deux reprises dans deux de ces livres concernant le matériau plastique et les conséquences des microplastiques.

Enfin, en ce qui concerne l’exemplarité. Cette action était déjà inscrite dans le plan national des déchets 2014-2020 (axe 12). Le plan national de prévention est obligatoire, en l’espèce la France ne respecte pas la directive cadre de 2008 (2008/98/CE) car il n’a toujours pas été publié au 12 juin 2021. L’exemplarité fait partie aussi des actions à mener pour les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA).

La Région : des compétences mobilisables pour la prévention

Les Régions possèdent des compétences exclusives sur la thématique des déchets, elles disposent également d’autres prérogatives qui lui sont propres. Pour l’île-de-France comme pour les autres Régions, des efforts peuvent être faits pour prioriser les actions en faveur de la prévention des déchets. Petit récapitulatif des compétences.

Graphiqe AFP, 2021.

Les Régions sont les autorités organisatrices du transport. Ainsi, elles peuvent gérer des ports, des aéroports, des gares publiques, des trains express régionaux (TER), ou encore les transports scolaires. Ainsi, elles peuvent instaurer des mesures en faveur de la réduction des déchets ou du tri par exemple dans ces lieux.

Les Régions ont à leur charge, la construction, l’entretien, le fonctionnement des lycées d’enseignement général et également agricole. Ainsi les lycées peuvent faire l’objet de travaux pouvant donner une part plus ou moins importante au réemploi de matériaux du bâtiment par rapport au recyclage.

La Région a également en charge la formation professionnelle pour les jeunes, les adultes, les demandeurs d’emplois par exemple. La mise en place de filière dédiée par exemple pour favoriser la réparation de produits électroménagers, ou encore pour favoriser l’apprentissage autour du réemploi des matériaux du bâtiment pourraient voir le jour si la volonté politique est là.

Elle a également sous la coupe le développement économique comme l’aide aux entreprises, les soutiens à l’innovation, animation des pôles de compétitivité…  Elle peut participer au financement de filière sur la consigne pour réemploi du verre d’emballage par exemple (financement de laveuses, de casiers, de véhicules pour la logistique, mise à disposition d’espace…). Elle peut mettre en œuvre des appels à projet, des appels à manifestation d’intérêt, elle peut verser des aides directes aux entreprises (subventions, prêts, avances remboursables…).

La Région a en charge l’aménagement du territoire et le développement durable. Elle est cheffe de file en matière de climat, d’air, d’énergie et de déchet donc.

D’Île-de-France ou d’ailleurs, à vous de sélectionner votre candidat, et de jeter vos bulletins dans l'urne ou dans la poubelle. Peut-être à bon escient pour la prévention des déchets.

Sources :

Autain Clémentine, 2021. Pouvoir vivre en île de France. Editions du Seuil, 136p. Consulté en mai & juin 2021.
Envie d’île de France, 2021. Nos 154 actions. Consulté le 30 mai.
France bleu, 2017. Grand Belfort : 35 € d’amende pour les mauvais trieurs de déchets.
France info, 2021. Complément d’enquête. Déchets : le sale business français.
Ile de France en commun, 2021. Notre projet pour changer l’Île-de-France avec Audrey Pulvar. Consulté le 25 mai.
L’écologie évidemment, 2021. Relocaliser l’économie. Consulté le 26/05/2021.
Nathalie Artaud, 2021. Nos positions. Consulté le 06/06/2021.
Ouest France, 2021. Leurs compétences n’ont cessé de s’étendre. Comment les Régions ont bien grandi.
Ordif, 2021. Les déchets ménagers en Île de France.
Ordif, 2021. Financement du service public des déchets : quelle situation en 2019 ?
Région Île de France, 2021. 4 millions d’euros pour le fonds propreté en ïle-de-France.
Région Île de France, 2021. Chapitre II Les flux stratégiques des déchets en Île de France.
Valérie PECRESSE 2021. Pour une région nature, propre et zéro carbone. Consulté le 4 mai.

  1. Île-de-France[]
  2. Aussi appellée TEPCV.[]
  3. semble-t-il sur six ans. Ce qui correspondrait peu ou prou aux 3 millions annuels dédiés à ce fonds en 2021. C'était 4 millions en 2017. []
  4. écrit ainsi[]
  5. le langage institutionnel les qualifie plutôt de centre d'enfouissement ou de stockage[]
  6. Mode de financement plus largement majoritaire qu’au niveau national en IDF. Les bases foncières sont plus élevées en IDF par rapport à celles nationales. En revanche, les taux votés par les communes sont plus bas qu’au national.[]
  7. A titre indicatif, les deux ministres du mandat Macron sont issus du parti Les Républicains dont les membres s'assument généralement comme étant de droite[]
  8. Selon l’INSEE, les dépenses de fonctionnement liées aux collectivités sont principalement : - les frais de rémunération des personnels ; - les dépenses d'entretien et de fourniture ;- les frais de fonctionnement divers correspondant aux compétences de la collectivité ; - les intérêts de la dette, c'est-à-dire les intérêts des emprunts.[]
  9. Sur 900 000 € d’investissement au total.[]
  10. Seules la Corse et la Réunion n’ont pas adoptées de PRPDG pour le moment. Aucune sanction n’est prévu en cas de manquement à ce devoir législatif.[]
Nota bene : cet article a été publié à une date qui correspondait peut-être à l’époque à un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Les informations qu'il vous propose ne sont peut-être plus à jour. En cas d’erreurs ou d’inexactitudes, merci d’aider à les corriger en me communiquant vos remarques et commentaires.
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