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Afficher le coût des emballages pour réduire les déchets ?

Par MESLARD-HAYOT Hugo le 10/02/2021
1ère Mise à jour (MAJ) le 05/03/2021
2ème MAJ le 14/09/2021
Les emballages vous coûtent mais vous ne savez-pas à quel point. Depuis la mise en place du principe pollueur-payeur en 1992, jamais les consommateurs de notre pays n'ont su ce qu'ils payaient. Et cela est volontaire, mais anormal (opinion).

Savez-vous combien vous coûte les emballages jetables ? non. Pour connaître le coût des emballages jetables pour chacun, il faut se lever tôt. Explications.

Le financement de la filière des emballages

Illustration d'un logo "Point Vert"

Les metteurs sur le marché (fabricants, distributeurs…) d’emballages ont une obligation de  contribuer au financement de la collecte et du recyclage des emballages, c’est ce qu’on appelle le principe pollueur-payeur (principe formalisé en 1972 par l'OCDE) 1. C’est en partant de ce principe que Citeo anciennement Eco-emballage est né par un décret le 1er avril 1992 pour financer la collecte et le recyclage des emballages ménagers. Les metteurs sur le marché financent Citeo via le versement d’une (éco)contribution matérialisée par un logo, le « Point vert ». Ce logo se verra affecté d’une pénalité pour tout metteur sur le marché de produits soumis à une filière de Responsabilité Elargie du Producteur (REP), conformément a l’alinéa 5 de l’article L541-10-3 du code de l’environnement. La contribution d’un metteur sur le marché est calculée selon plusieurs paramètres (poids, matière, recyclabilité…) regroupés sous le terme d’« écomodulation ». En réalité, les metteurs sur le marché répercutent généralement ce coût au consommateur qui achète des emballages. C’est ce qu’indiquait un rapport de 1997 « Aujourd’hui, c’est le consommateur qui paie le Point vert » (DRON, 1997). C’est le premier coût qui lui est répercuté. Connaissez-vous ce coût ? non. Ce coût est méconnu de la plupart des consommateurs car à aucun moment l’information sur le coût de l’emballage lui est affiché. Mais vous pouvez tenter de l’approcher ce coût si vous êtes curieux et peu occupé aussi peut-être.

Un coût opaque comme une bouteille de lait en PET 2

La Cour des Comptes indiquait à propos de l’écocontribution dans son rapport de 2002 que « Son taux, initialement d'un centime de franc par emballage, a été doublé en 2000, puis à nouveau en 2002 » (Cour des Comptes, 2002). Entre 1999 et 2002, la bouteille de lait d'un litre avait connue une hausse de son écocontribution de presque 3 % en centimes de francs (commissariat au plan, 2003). Le commissariat au plan notait dans son rapport l'inéquité de cette contribution répercuté au consommateur final car elle vient peser plus fortement sur le "consommateur pauvre", il remarquait que c'était "nécessaire d’exempter de contribution les produits de première nécessité". Il évoquait également la nécessite de l'" information du consommateur" sans préciser s'il s'agit de l'information du prix au consommateur ou d'autre chose.

Tableau issu d'un rapport du commissariat au plan en 2003

Dans son livre Faites le tri sur les idées reçues, Citeo dit que l’écocontribution est versée pour chaque emballage ménager consommé en France et représente un montant allant de quelques centimes à quelques dizaines de centimes par emballage (généralement inférieur à 1% du prix de vente du produit). Y-a-t-il eu une augmentation de l’écocontribution plus faible en euros constants que l’inflation, que vos revenus, que votre pouvoir d'achat... depuis la création d’eco-emballage ? dur à dire au vu de l’opacité des données. Dans le récent rapport Vernier de 2018, M.VERNIER évoque une contribution d’un centime d’euros pour une bouteille d’un litre et demi d’eau soit 1,6 % de contribution. Christelle CHANCRIN, spécialiste écocontribution et dirigeante du cabinet E3 Conseil a examiné les écocontributions pour 2020/2021, la conclusion est qu’il y a une hausse de 10 % (emballages magazine, 2020). De nos jours, "l’emballage représente en moyenne entre 15 et 20 % des prix de revient des produits dans le secteur alimentaire" (emballages magazine, 2021), ce secteur domine le marché des emballages. En 2006 déjà, l'emballage alimentaire représentait plus de 80 % des tonnages mis sur le marché (banque des territoires, 2007).

Illustration de Phil UMBDENSTOCK

Êtes-vous prêts à calculer ce que vous coûte vos emballages sur une période ? eh bien, prenez le coût de vos emballages, un centime pour être dans la fourchette basse et comptez-les… sur une période et vous approcherez grossièrement ce qu’ils vous coûtent. Il est impossible de connaître le coût exact car certains ne veulent surtout pas que vous le sachiez.

Un manque de transparence volontaire

Pourquoi on ne vous montre pas en toute transparence le coût de vos emballages ? il y a des risques, pour le consommateur comme pour les metteurs sur le marché… En effet, l’affichage de cette contribution est obligatoire pour les filières réglementées telle que celles des Déchets Electriques et Electroniques (DEEE) 3 et les Déchets d’Equipements et d’Ameublement (DEA) 4 (Ministère de la Transition Ecologique, 2019) alors qu’elle ne l’est pas pour les autres. Celle-ci n’est pas toujours affichée qui plus est (E3Conseil, 2018).

Illustration du cabinet E3conseil sur l'affichage de l'écoparticipation

Cette obligation ne concerne pas notamment la filière des emballages ménagers qui représente près de la moitié des écocontributions sur toutes les filières réglementées selon le rapport Vernier (530 millions sur 1,2 milliard). Aussi, les emballages jetés chaque année représentent 125 kg/hab soit 30 % des Déchets Ménagers et Assimilés (Ademe, 2018) 5, dont les impacts environnementaux sont réels. Mais alors pourquoi cette invisibilisation alors même la Cour des comptes avait recommandé en 2016 que la contribution paraisse aux yeux du consommateur pour toutes les filières (emballages compris) même pour de faibles montants (Cour des comptes, 2016) ? j'ai interrogé le Ministère de l'Ecologie pour savoir si ce sujet serait à l'ordre du jour de la futur Commission Inter Filière Responsabilité Elargie du Producteur (CIFREP), je n'ai pas eu de réponse pour le moment.

Jacques VERNIER dans son rapport écrit « Les adversaires de la « visible fee » 6 pensent que certains consommateurs réagiront négativement (« Encore une taxe !... »). » On peut imaginer les arguments avancés de la part de ses détracteurs : pénible à mettre en oeuvre pour des raisons de calcul, de cumul des contributions en cas d'emballages mutiples, manque de place pour l'afficher... et c'est peut-être vrai. Néanmoins, on peut supposer que l'étiquette électronique de gondole puisse permettre de faciliter les choses en changeant régulièrement le coût de l'écocontribution sur celle-ci. Une écocontribution pour laquelle le coût ne devrait pas changer régulièrement (donc être souvent mise à jour par les salariés des magasins) car les metteurs sur le marché ont besoin de stabilité sur plusieurs mois concernant leurs montants de contributions (Déchets infos, 2021).

Photo de Brune POIRSON à gauche et Jacques VERNIER à droite (La Voix du Nord)

Cela risquerait sûrement de mettre à mal la filière emballages car cela enclencherait un phénomène bien connu en psychologie social et en économie comportementale, l’aversion à la perte. La voici définit : "L'idée de perdre 100 euros nous émeut deux fois plus que celle de les gagner. L'aversion à la perte est au coeur de la théorie des perspectives, l'une de celles élaborées par Daniel Kahneman et Amos Tversky." (Marmion, 2020). Cela rendrait visible le coût des emballages pour le consommateur, rendant l’acceptation, l’adhésion pour l’emballage jetable plus difficile. Par exemple, une expérience dans la région de Washington a entraîné l’abandon de l’utilisation de sacs plastiques jetables pour plus de la moitié des consommateurs en affichant une taxe de 5 centimes sur chaque sac (Singler, 2015).

A priori, il serait en revanche contre-productif de tous les remplacer par des sacs en tissus neufs dont l’impact environnemental n’aurait pas été mesuré.

D'autres coûts économiques méconnus


Vous avez déjà lu le rapport annuel (obligatoire) de votre EPCI 7 en charge des déchets sur le prix et la qualité du service d’élimination des déchets ? Vous savez, ce rapport consultable en Mairie, ou au siège de votre EPCI ou sur son site Internet. Non ? c’est un peu normal, c’est une lecture qui ne passionne pas forcément les foules et qui fait l’objet d’une maigre promotion. Ce rapport indique notamment les coûts de collecte et du traitement des emballages ménagers légers et lourds (verre). En plus du coût à l’achat, c’est le second coût qui est répercuté au contribuable cette fois, celui des emballages et papiers. En effet, le tri des emballages et papiers coûte 9 €/habitant HT en France en 2014 soit 10 % des coûts pour la collectivité (Ademe, 2017). Il faut ajouter 1,7 €/habitant pour le coût lié au traitement du verre pour avoir l’ensemble des emballages triés. Le tri coûte aux contribuables-trieurs mais il est préférable de trier que de mettre les déchets dans les ordures ménagères sur tous les plans généralement (économiques, environnementaux…) dans l'organisation actuelle du service public de prévention et gestion des déchets.

Coût aidé moyen en € HT par hab./an en 2014 (Ademe, 2017)

De plus pour le verre, une étude de décembre 2019 (Glachant et Touboul, 2019) a révélé que le verre d’emballage jetable n’internalise que 12 % de ses coûts économiques et environnementaux via sa contribution, 1,21 cts d’€/kg en 2014 (allez pesez vos verres pour estimer ce que ça vous coûte !). C’est une internalisation des coûts bien moindre que le plastique ou l’aluminium par exemple. Les auteurs indiquent que cette faible écocontribution n’incite pas les metteurs sur le marché et autres acteurs à faire de la prévention. Les auteurs écrivent que la « cohérence consiste à augmenter plus fortement les taux appliqués au verre et à l’acier que ceux appliqués au plastique, au papier-carton et à l’aluminium ». Une cohérence que Citeo a peut-être commencé à appliquer pour 2021 puisque l'écocontribution pour les emballages métalliques a augmenté de 10 % et 12,5 % pour l'aluminium (Emballages Magazine, 2021). Un coût qui se répercutera probablement à au consommateur final. Dans leurs travaux sur le suremballage, les citoyens de la convention pour le climat ont suggéré de modifier et d'augmenter la grille tarifaire de Citeo sur les emballages (CCC, 2021). C'était une de leurs propositions pour remplacer la TEOM par des modalités plus justes favorisant les comportements responsables.

Actuellement, le coût économique et environnemental des emballages en verre (mais aussi des autres emballages) est donc largement supporté par les contribuables du service public de prévention et gestion des déchets et les consommateurs d’emballages jetables, et non pas par le metteur sur le marché comme le voudrait le principe pollueur-payeur. Si les conclusions des auteurs sont suivies d’effet, alors il faut s’attendre à voir le coût de l’emballage en verre renchérit et donc probablement le coût des produits emballés dans du verre à usage unique aussi. A moins par exemple que le coût du produit (le contenu) baisse pour rester à iso-prix, ce qui pourrait revenir à abaisser la qualité des produits pour ne pas répercuter une hausse du prix au consommateur.

Vous l’aurez compris, afficher le coût des emballages est une mesure de transparence à mettre en œuvre pour le consommateur. Grâce au phénomène d’aversion à la perte, connu en économie, 8, il permettrait probablement à tout un chacun de se détourner sans doute plus des emballages jetables. Ainsi, le vrac pour lequel le produit n’est pas préemballé 9pourrait attirer de nouveaux clients. En cas d’achat d’emballages jetables en libre-service au magasin (sacs, sachets, boîtes…), il serait bénéfique d’afficher leurs coûts également pour limiter leur usage. Cet affichage du coût des emballages jetables pourrait être un grand pas en avant pour la consigne pour réemploi 10. En effet, la transparence du coût de la consigne joue en sa faveur quand l’opacité du coût des emballages est mise à nue. Et ce coût économique est nul pour l’utilisateur en l’occurrence, bien que d’autres freins existent (praticité logistique, lourdeur du verre…).


Sources :

  1. Organisation de Coopération et Développement Economiques[]
  2. blague spéciale déchets[]
  3. L’article L541-10-2 du code de l’environnement mentionne bien que « Les acheteurs répercutent à l'identique ce coût jusqu'au client final. »[]
  4. Semble-t-il obligatoire jusqu’au 1er janvier 2021 []
  5. 173 kg/hab en 2017 dans l'Union Européenne[]
  6. redevance visible[]
  7. Etablissement Public de Coopération Intercommunal[]
  8. Une étude avec une méthodologie scientifique permettrait de mieux déterminer les effets de ce choix, les bons (réduction des déchets) et les mauvais (manifestations ? bouleversement des pratiques d’achats ? …).[]
  9. la vente en vrac est définie à l'article L120-1 du code de la consommation[]
  10. Le réemploi consiste à utiliser de nouveau un emballage pour un même usage, exemple : une bouteille de vin consignée. Ce terme est défini à l’article L541-1-1 du code de l’environnement.[]
Nota bene : cet article a été publié à une date qui correspondait peut-être à l’époque à un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Les informations qu'il vous propose ne sont peut-être plus à jour. En cas d’erreurs ou d’inexactitudes, merci d’aider à les corriger en me communiquant vos remarques et commentaires.
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