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Exclusivité : le rapport sur les sanctions pour non-respect du stop-pub rendu public.

Par MESLARD-HAYOT Hugo le 28/05/2023
Les décheticiens rend public le rapport prévu à l'article 21 de la loi climat qui doit évaluer la mise en oeuvre de la sanction pour non-respect du stop-pub. Probablement aucune sanction n'a été prononcée, le Ministère de la Justice est incapable de se prononcer sur les suites des plaintes déposées.

Il y a près de vingt ans, en 2004, un des premiers outils institutionnels de prévention des déchets voyait le jour dans le cadre du premier plan national de prévention volontaire. C’était l’autocollant stop-pub. Collé sur la boîte aux lettres, il est censé éviter les imprimés publicitaires sans adresses (IPSA), autrement dit les publicités d’annonceurs. La loi AGEC de 2020 a permis d’introduire une sanction en cas de non-respect du stop-pub. Le rapport gouvernemental prévu à l’article 21 de la loi climat de 2021 est rendu public via les décheticiens, grâce au concours d’un parlementaire 1. Il devait évaluer la mise en œuvre de cette sanction et son impact sur la distribution d’IPSA.

Non-respect du stop-pub : un préjudice pour la prévention, désormais sanctionnable

L’article 46 de la loi AGEC a introduit la possibilité d’une sanction en cas de non-respect du stop-pub. La sanction est désormais inscrite à l’article L541-15-15 du code de l’environnement : « à compter du 1er janvier 2021, le non-respect d'une mention apposée faisant état du refus de la part de personnes physiques ou morales de recevoir à leur domicile ou à leur siège social des publicités non adressées est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe ». Le rapport gouvernemental indique que cela correspond à une amende pouvant aller jusqu’à 1 500€ pour les personnes physiques, et 7 500€ pour les personnes morales.

Le désormais célèbre autocollant vert "stop-pub"

Cette sanction a été notamment proposée par l’UFC Que Choisir par exemple pour mieux faire respecter le stop-pub par les annonceurs. Dans une étude Ademe de 2021 sur les IPSA, près de 60 % des porteurs de stop-pub déclaraient recevoir toujours trop de publicités après l’apposition d’un stop-pub. Ces déclarations tendaient à démontrer que le stop-pub n’était pas respecté totalement. Ce « trop » de publicité doit être nuancé. Trois données, une publiée par l’Ademe et deux d’UFC Que Choisir, permettent de dire que, malgré quelques non-respects, le volume et le nombre de déchets de papiers est réduit de près de 90 % après la mise en place d’un stop-pub (Girus, 2016 ; UFC Que Choisir 2018).

Graphique de l'Ademe (2021) sur les raisons de l'arrêt du stop-pub

En revanche, à notre connaissance, il n’existe pas de sanction prévue en cas d’arrachage du stop-pub par un tiers. C’est pourtant la première raison invoquée d’arrêt du stop-pub dans l’étude de l’Ademe citée ci-dessus.

Le respect plein et entier de cet autocollant doit permettre d’éviter 12 kg par habitant par an de déchets de papier (Optigede, 2023). Ce gisement d’évitement de déchets était évalué à 14,5 kg/hab/an en 2011 dans une étude de l’Ademe. La diffusion du stop-pub et la digitalisation de la publicité, entre autres raisons, ont réduit le nombre de publicités mises en marché au fur et à mesure des années.

Peu de plaintes, zéro sanction et zéro impact ?

Le rapport gouvernemental nous informe que depuis que la sanction est applicable, depuis le 1er janvier 2021, « 19 infractions ont été enregistrées pour non-respect du Stop pub : 7 en 2021 et 12 en 2022 ». La suite donnée à ces sanctions enregistrées par le Ministère de l’Intérieur peut laisser pantois : « A ce jour, le Ministère de la Justice ne dispose pas d’informations sur les suites données aux infractions relevées ». En l’état, il est donc impossible de savoir si au moins un dépôt de plainte pour non-respect du stop-pub a abouti. Ce qui peut laisser penser que l’introduction de cette sanction dans le code pénal est inopérante. Il est probable que le Procureur de la République, les services de police et de gendarmerie ne considèrent pas ce type de plainte comme une priorité face à d’autres crimes et délits plus graves 2. Interrogé sur ces absences d’informations et sur un éventuel classement sans suite de toutes les plaintes, le Ministère de l’écologie n’a pas répondu à l’heure de la publication de l’article.

Le syndicat de la distribution directe 3 a lui mis en place son propre site Internet 4 pour que les ménages signalent le non-respect du stop-pub. Dans le cadre du plan d’actions volontaires auquel il a souscrit, il doit valoriser ce site Internet pour le faire connaître. Dans le rapport, le syndicat dit avoir reçu et traité plus de 3000 réclamations en 2021, et plus de 2000 en 2022. Le syndicat reçoit plus de réclamations que les autorités ne reçoivent de plaintes donc. Malgré tous ces signalements, le syndicat dit ne pas avoir eu connaissance d’une seule plainte contre l’un de ses adhérents.

Quant à la 2e partie du rapport qui concerne l’impact de la mise en œuvre de la sanction « sur la distribution d’imprimés publicitaires non adressés », il n’y a rien. C’est un peu logique, s’il n’y a pas de sanctions mises en œuvre, il peut difficilement y avoir un impact sur les IPSA. On peut supposer que plus de sanctions pourrait engendrer un meilleur respect du stop-pub. La connaissance du montant de la contravention dissuaderait d’agir contrairement à la loi. Cela pourrait probablement réduire les déchets de pub in fine.

Une planche de stop-pub à découper

Enfin, l’autocollant stop-pub a été redesigné il y a quelques années. Mais il n’intègre à ce jour aucun message sur la sanction encourue. Un rapport-bilan de 2009 sur le stop-pub recommandait de favoriser « la simplicité et la clarté » du stop-pub. L’intégration éventuelle d’une référence à la contravention encourue serait une piste pour augmenter un peu son efficacité, sans nuire à sa clarté.

Le stop-pub a encore des marges de progrès importantes

Le rapport gouvernemental indique que le taux d’apposition de l’autocollant stop-pub était de 8 % en 2008. L’étude de 2016, publiée par l’Ademe, sur le potentiel d’évitement et de réduction des déchets indiquait un taux d’apposition de 9 % en 2011 et 15 % en 2014 selon Mediapost (distributeur). La plus récente étude Ademe de 2021 soulignait qu’« une mention STOP PUB » est apposée sur 17 % des boîtes aux lettres de particuliers en 2020. Ce qui donne une progression de près d’un point de pourcentage par an. Il est compliqué de savoir si cette « mention » est un autocollant ou une mention manuscrite, ou autre. Cette étude de 2021 évaluait un potentiel d’apposition de stop-pub autour de 30 % en moyenne en France. Le rapport-bilan d’évaluation du dispositif stop-pub de 2009 visait à couvrir 100 % des foyers refusant la pub, soit une estimation de 15 % à l’époque. Ceci tend à montrer que la part de foyers désirant un stop-pub a progressé de près de 15 points de pourcentage en une dizaine d’année années. Avec la digitalisation des publicités et un éventuel renforcement des engagements environnementaux des citoyens, le potentiel du stop-pub pourrait encore progresser.

D’autres études ont estimé le taux d’apposition du stop-pub. Ainsi, dans une autre étude représentative de l’Ademe publiée en 2016, le taux d’apposition de l’autocollant stop-pub était évalué à 28 % en 2015, (plus qu’en 2020 donc). Dans une autre étude représentative de l’Obsoco et Citeo de 2021, 25 % des répondants déclaraient avoir apposé un stop-pub. Bien que comparaison ne soit pas raison, dans son livre « Histoire des hommes et de leurs ordures », Catherine De Silguy mentionnait qu’en 2006, 40 % des boîtes aux lettres suisses avaient un autocollant de refus de la publicité. Il est difficile de vous expliquer cette disparité entre les données.

De toutes ces données, la seule évidence possible est que la part de boîtes aux lettres refusant la publicité avec des mentions manuscrites, avec des plaques « pas de publicité » (par exemple), et avec des autocollants stop-pub, est plus élevée que la part de boîtes aux lettres ayant seulement l’autocollant vert.

Boîtes aux lettres avec des mentions de refus de pub sans autocollant stop-pub

Le petit autocollant vert rectangulaire progresse peu, pourtant des solutions déjà présentées depuis plusieurs années peuvent être mises en œuvre rapidement.

Les solutions prioritaires : diffuser plus, accroître sa notoriété, sensibiliser en proximité

La distribution systématique dans les boîtes aux lettres est une des pistes prioritaires de diffusion des stop-pub (en plus de la disponibilité en mairie). Cette piste a été constatée dans un bilan en 2005, dans le bilan de 2009, et dans la dernière étude de l’Ademe 2021. Cette dernière souligne que les foyers n’ayant pas de stop-pub « plébiscitent plus fortement » la distribution en boîte aux lettres, plutôt que la mise à disposition en mairie. Mais le rapport de 2009 mettait en évidence que cette diffusion massive n’entraînait pas nécessairement un collage. Il préconisait d’accompagner la distribution par de la sensibilisation, en porte-à-porte par exemple. Un des autres enjeux est de faire apposer plus de stop-pub qu’il n’arrive de nouveaux logements sur le marché. Selon l’Insee, le parc de logements s’accroît de 1,1 % par an en France métropolitaine. Actuellement, il n’y a pas d’obligation de proposer un stop-pub pour chaque logement neuf. Le plan d’action volontaire multipartenarial mis en place pour limiter les IPSA, chapeauté par l’Ademe, proposait que les collectivités distribuent un stop-pub dans le cadre d’ « un kit nouvel arrivant » pour chaque emménagement. Cela n’est pas écrit dans le plan, mais cela pourrait être mis en place lors de la mise à disposition de poubelles par exemple.

Une autre piste est d’augmenter la notoriété du stop-pub. Le rapport précité de 2009 soulignait la faible visibilité du stop pub auprès des habitants. Une de ses recommandations phares était de « Renforcer la promotion du dispositif par une communication diversifiée au niveau national ». Augmenter la notoriété du stop pub, c’est aussi le but de l’action n°1 du plan volontaire dans lequel se sont engagés l’Ademe, des enseignes de la grande distribution, des distributeurs, des ONG, et le cercle national du recyclage en 2021. L’objectif de cette action n°1 est de « renforcer la NOTORIETE du dispositif STOP PUB et L'INFORMATION sur son fonctionnement ». Pour ce faire, la récente loi portant fusion des filières REP d’emballages ménagers et de producteurs de papier pourrait aider. Cette loi prévoit qu’une nouvelle éco-modulation sous forme de primes soit versé par l'éco-organisme en charge de la filière. Elles pourront être obtenues en mettant à disposition des encarts gratuits d'information "d'intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri". Si, a priori, cela n’a jamais été le cas jusqu’ici, des encarts d’informations pourraient faire la promotion du stop-pub (lieux où le trouver, ses intérêts…).

Enfin, une autre piste pour diminuer la publicité non voulue dans nos boîtes aux lettres est probablement l'accélération du déploiement de son petit frère bleu, le "oui pub".

Le rapport gouvernemental de dix pages explicité ici aurait dû être rendu public en juin 2022. Les décheticiens l’a demandé pour la première fois en septembre 2022, le Ministère de l’écologie avait alors écrit qu’il travaillait dessus afin de le rendre « pour la fin de l’année 2022 ». Les décheticiens l’a donc redemandé en décembre 2022, sans succès. Puis une nouvelle demande a été faite en février 2023, il a été déposé à la bibliothèque de l’Assemblée Nationale début 2023. Il a donc fallu à minima six mois au Ministère de l'écologie pour rendre un rapport de dix pages. Le Ministère n’a pas souhaité rendre public ce rapport. Un parlementaire nous l’a finalement transmis en mai 2023.

Sources :

Ademe, 2021. Accélération de la mise en œuvre de la loi AGEC concernant les imprimés publicitaires sans adresse non lus : plan d’actions volontaires multipartites.
Ademe, 2016. Sensibilité des français à la prévention des déchets.
Ademe, Galileo business consulting, 2021. Imprimés publicitaires sans adresse et bilan STOP PUB.
Catherine De Silguy, 2009. Histoire des hommes et de leurs ordures du Moyen Âge à nos jours. Éditions du Cherche-Midi, 346p.
Citeo & l’obsoco, 2021. Observatoire de la consommation responsable. Analyse détaillée.
Ernst & Young, 2009. Évaluation et perspective d’évolution du dispositif stop pub.
GIRUS – Francis Chalot – 2015 - Evaluation des gisements d’évitement, des potentiels de réduction de déchets et des impacts environnementaux évités : référentiel des données pour 15 actions de prévention des déchets – Rapport – 120 pages
Insee, 2021. 37,2 millions de logements en France au 1er janvier 2021.
Optigede, 2023. STOP PUB. Chiffres clés et évolutions du STOP PUB.
UFC Que Choisir Nièvre, 2018. Enquête prospectus publicitaires : Face au flot grandissant, le Stop Pub !

  1. le rapport est en pièce jointe au bas de l'article[]
  2. avis de l’auteur[]
  3. Voici la description du syndicat sur son site Internet : « Créé en 1996, le Syndicat de la Distribution Directe (SDD) regroupe les entreprises dont l’activité majeure est la distribution gratuite et non adressée de prospectus, de flyers et autres supports publicitaires en boîte aux lettres… ».[]
  4. www.respect-stop-pub.fr[]
Nota bene : cet article a été publié à une date qui correspondait peut-être à l’époque à un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Les informations qu'il vous propose ne sont peut-être plus à jour. En cas d’erreurs ou d’inexactitudes, merci d’aider à les corriger en me communiquant vos remarques et commentaires.
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