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Coopération internationale : comme le 1 % déchets, la prévention ne décolle pas non plus

Par MESLARD-HAYOT Hugo le 09/05/2021
1ère Mise à jour (MAJ) le 17/05/2021
(2/3) Cet article est le second d'une série de trois sur le lien entre l'aide publique au développement et les déchets. Il traite de la faible place de la prévention des déchets dans les projets d'aide au développement, et met en avant des exemples de partenariats, au titre du 1 % déchets, mis en place par les collectivités françaises avec les collectivités du Sud.

Une petite place pour la prévention

La place de la prévention des déchets dans les partenariats noués est similaire à la place des déchets en général dans la coopération décentralisée sur l'ensemble des thématiques, faible.

Cela n’est pas spécifique à la politique extraterritoriale française, puisque la politique intérieure (celle du Ministère de l’écologie et des collectivités notamment) consacre peu de financements à la prévention des déchets, entre 0 et 1 % du budget de la plupart des collectivités depuis le début des années 2010 jusqu’à nos jours (République Française, 2014 ; Gazette des communes, 2021).

Il est assez difficile de récolter des données, il n’y a pas de bilan exhaustif à l’échelle national. L’étude d’impact sur le 1 % déchets de 2014 citée à l’article précédent évoquait plusieurs dizaines de fois la collecte quand la prévention (au sens détritique et non sanitaire du terme) était citée deux fois. Cela laissait augurer une prédominance d’actions ciblant la collecte et le traitement post collecte.

La prévention ne prédomine pas dans les financements, et cela s’explique selon l’étude d'Arnaud Laaban de 2020. L’auteur soulignait qu’« Il est important de ne pas cibler que de l’investissement mais aussi d’accepter d’accorder des sommes importantes à du « soft » comme la sensibilisation des populations locales, le renforcement de capacités des agent-e-s sur place, l’appui à la gouvernance... » (Labaan, 2020). La sensibilisation est un des leviers des actions de prévention, elle fait partie des dix actions à mettre en œuvre dans un PLDPMA 1 (Ademe, 2018). Son champ d’intervention peut également recouvrir des actions sur le tri, le recyclage, l’enfouissement, elle n’est pas spécifique à la prévention.

Source : Ademe, plpdma.

Quelques retours d'expériences de collectivités françaises

La ville de Paris :
La ville de Paris s’affiche sur son site Internet comme la première collectivité à avoir mis en œuvre le 1 % déchet (Paris, 2020) 2, grâce à une délibération du 1er juillet 2015. Elle peut utiliser ce dispositif car elle a la compétence collecte et elle perçoit la TEOM explique un interlocuteur de la ville de Paris. La capitale est engagée depuis près de 20 ans en matière de solidarité internationale, sur l’eau, l’assainissement, la santé... Aujourd’hui c’est la première collectivité contributrice à l’aide publique au développement en France en 2019 en valeur absolue en euros (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 2021). Le 1 % déchets a pu voir le jour grâce à cet engagement historique, mais aussi du fait de demandes grandissantes de partenaires, et de l’effet d’aubaine juridique (créé par la loi) pour les associations. L’interlocuteur de la ville de Paris nous a signifié que la ville n’avait pas de bilan spécifique au 1 % déchets, ses actions sont intégrées dans un rapport global sur l’action internationale de la ville. La ville de Paris a « assez peu de projets sur la prévention » selon ce même interlocuteur. La ville finance des projets mixtes mobilisant le 1 % déchets, le 1 % eau-assainissement, et le 1 % énergie. Cela rend difficile la distinction des financements par dispositif.

Les Régions Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val-de-Loire
Le bilan réalisé par l’Ademe Nouvelle-Aquitaine en 2020 fait ressortir la collecte et le traitement comme les actions prédominantes menées par les collectivités et syndicats de la Région. Ainsi, l’APD contrevient au passage suivant concernant l’article L541-1 du code de l’environnement « Les soutiens et les aides publiques respectent la hiérarchie des modes de traitement des déchets… ». Cet article n’est pas nécessairement adapté en matière de coopération internationale car les besoins immédiats sont parfois d’abord sur la collecte et le traitement des déchets (enfouissement, recyclage matière/organique, valorisation énergétique). Les pays en développement semblent suivre le même schéma que les pays dits développés avec une priorisation du duo collecte-traitement. Selon Marion LERICHE du RRMA de Nouvelle-Aquitaine SO coopération, une enquête de 2019 a constaté que 5 collectivités/syndicats sur 119 ayant la compétence collecte ont mobilisé le 1 % déchets en Nouvelle-Aquitaine depuis sa création en 2014 soit un peu plus de 4 % d’entre elles. L’analyse des décheticiens montre que sur les cinq engagées, deux syndicats étaient dirigés par des formations politiques de gauche lors de leur engagement (syded 87, evolis 23), une collectivité au centre (Grand Châtellerault), une par un Président sans étiquette semble-t-il (Calitom), et une autre par des élus divers droite selon wikipédia (Pays Loudunais).

Source : Ademe Nouvelle-Aquitaine.

Parmi les partenariats, voici un focus sur quelques acteurs impliqués dans le projet PLASTIC (Plateforme d'Action et de Sensibilisation au Traitement Individuel et Collectif des déchets) unissant 10 territoires européens et africains. Une coopération mutualisée a vu le jour entre 2016 et 2021, la ville de Châtellerault est cheffe de file du projet en France. Ce partenariat multi-acteurs (Région, So coopération, , Châtellerault, ville de Chauvigny…) s’appuie sur une histoire qui unit les territoires burkinabè et franco-allemand depuis plus de deux décennies. Parmi les acteurs, plusieurs communes burkinabè 3 et deux syndicats déchets limousins, Evolis 23 et le Syded 87 ont travaillé de concert. Le besoin des Burkinabè portait sur un accompagnement des techniciens et élus pour leur permettre de bâtir une politique générale des déchets (gouvernance, financement du service…). Ainsi, le partenariat et les échanges portent sur des aspects techniques, administratifs et financiers. La priorité est axée conjointement sur la collecte et le traitement, via la création d’un centre de tri et d’un centre d’enfouissement. Un élu référent et le responsable collecte d’Evolis se sont rendus au Burkina-Faso. Ce projet articulé en quatre volets, consacre deux volets à la sensibilisation sur les enjeux, les coûts et aussi la prévention 4 soit un peu plus de 46 % du budget global porté à 321 000 € par tous les acteurs. L’action de prévention a fait l’objet de plus de 13 000 € de crédits soit plus de 4 % des financements. Cette action a été entièrement financée par le comité de jumelage de la ville allemande d’Herzogenaurach grâce à une course de solidarité indique Rosa ABEL, responsable des jumelages pour cette ville de Bavière. D’autres actions de financements ciblées sur la sensibilisation concernaient également la prévention.

Collecte en charette asine à Ziniaré (Burkina Faso) - cc G.ASSIMON, responsable collecte, pour evolis 23.

La Région Centre Val de Loire (RCVL) a inscrit un objectif de déploiement du 1 % déchets dans son PRPGD 5. Cette action visera à :

  • « Mettre en place des actions de prévention des déchets dans les zones de coopération décentralisée de la région Centre-Val de Loire »
  • « Sensibiliser les collectivités locales, compétentes en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages à recourir au 1% Déchets (en priorité les agglomérations) »

Les autres Régions n’ont pas fait montre de telles ambitions dans leur PRPGD, peut-être que des candidats aux régionales en 2021 porteront des ambitions à ce sujet. La Région Centre est dirigée par François BONNEAU qui en est le Président depuis 2007. Il est encarté au parti socialiste.

La Région Centre a mis en place un groupe de travail spécifique aux projets internationaux relatifs à l’économie circulaire en 2020. Il a été engagé dans le cadre de la Conférence Permanente des Relations Internationales mise en place en 2018. Elle réunit l’ensemble des acteurs de la coopération internationale en région Centre-Val de Loire (organisé par la Direction de l’Europe et international à la Région, et CENTR’AIDER).

La communauté d'agglomération de Châtellerault :
La Communauté d’Agglomération du Grand Châtellerault a également participé au 1 % déchets. Avec la ville de Châtellerault, le RRMA SO Coopération et la Région Nouvelle-Aquitaine, elle a donc initié le projet PLASTIC.
L’historique de coopération, l’engagement antérieure sur le 1 % eau/assainissement, la sensibilité de l’élue sur ce sujet (Mme AZIHARI) et celle du Maire de Kaya au Burkina ont favorisé leur participation selon M.RAYNAUD, responsable du service relations internationales. La délibération du 26 septembre 2016 engagea Grand Châtellerault à hauteur de 0,57 % des recettes prévisionnelles du budget annexe déchets, puis la délibération du 20 janvier 2020 l’a réengagea à hauteur de 0.38 %. L’action prévention concernait la recherche d’alternatives aux sacs plastiques. Monsieur Raynaud, responsable du service des relations internationales au Grand Châtellerault, nous a détaillé cette action, en expliquant que les sacs plastiques sont ingérés par les animaux là-bas, qu’ils jonchent la brousse, qu’ils finissent dans les caniveaux et les bouchent. L’alternative ici a consisté à fournir du coton et des tissus locaux aux femmes burkinabè. Elles ont confectionné des sacs en tissu pour remplacer les sacs en plastique. Ces sacs plastiques pullulent dans l’environnement malgré l’interdiction qui les concerne depuis la loi du 20 mai 2014 au Burkina Faso, comme dans d’autres pays africains. Le manque de contrôle, la faible sensibilisation des populations expliquent entre autres que cette loi soit inopérante selon M.RAYNAUD, un constat déjà fait par Reporterre (Reporterre, 2013). M.RAYNAUD résume ainsi le dénuement en matière de gestion des déchets au Burkina Faso :

« Il y a des villes où rien n’existaient, enfin quasiment »
J.RAYNAUD, responsable du service relations internationales à la communauté d’agglomération du Grand Châtellerault

Photographie de Jacques RAYNAUD (cc immersion-eau)

M. RAYNAUD est « souvent sollicité » par des collectivités au sujet du 1 % déchet, et également par l’association Amorce. Mais il regrette que le 1 % déchets soit « peu connu et insuffisamment développé ». A ce sujet, les recherches effectuées par les décheticiens ont révélé que les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public des déchets d’Evolis 23 et du Grand Châtellerault par exemple ne mentionnaient pas ces projets.

Pionnières, engagées, solidaires, ces structures défrichent le sujet. Si la prévention fait l’objet de peu d’actions, la prise de conscience des enjeux sur ce sujet par certains acteurs, en France et en Afrique, est bel et bien là.

Sources :

Ademe, 2018. Elaborer et conduire avec succès un PLPDMA.

Ademe Nouvelle-Aquitaine, 2020. Enquête sur la mobilisation du « 1 % déchets » en Nouvelle-Aquitaine.

Gazette des communes, 2021. La prévention sur les déchets se trouve une place dans les budgets.

Laaband, 2020. Etude prospective sur les dispositifs 1 % (eau, déchets et énergie). 61p.

Paris, 2020. Focus, l’action internationale de la ville de Paris.

Reporterre, 2013. Au Burkina Faso, la loi d’interdiction des sacs plastiques passe mal.

République Française, 2014. Mission d’évaluation de politique publique. La gestion des déchets par les collectivités territoriales.

Vie publique, 2020. Paris, collectivité territoriale spécifique.

  1. Plan Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés.[]
  2. Paris est une commune qui a un statut administratif particulier (Vie Publique, 2020).[]
  3. Les communes ont la compétence déchet au Burkina Faso.[]
  4. une partie du budget a dû être réaffecté la lutte contre la Covid19.[]
  5. Plan Régional de Prévention et Gestion des Déchets[]
Nota bene : cet article a été publié à une date qui correspondait peut-être à l’époque à un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Les informations qu'il vous propose ne sont peut-être plus à jour. En cas d’erreurs ou d’inexactitudes, merci d’aider à les corriger en me communiquant vos remarques et commentaires.
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