La France est le 5e contributeur mondial d’aide publique au développement (APD) selon le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Sa contribution devra augmenter à 0,70 % du Revenu National Brut d’ici à 2025 (Le Figaro, 2020), ce taux est visé par une recommandation de l’ONU depuis 1970. L’aide publique au développement dans le monde, en valeur absolue, n’a jamais été aussi important qu’en 2020 selon l’OCDE 1, la France a augmenté sa contribution en 2020. Son secrétaire général Angel Gurria dit malgré tout que c’est insuffisant (Les Echos, 2021).
Les déchets, au titre du climat, de la santé, de l’éducation notamment, font partie des cinq thématiques prioritaires de l’APD décidées par le Comité Interministériel pour la Coopération Internationale et le Développement (CICID). Le 1 % déchets, né en 2014, est un dispositif qui peut servir de levier d’engagement international pour les collectivités et syndicats en France, pourtant son utilisation reste très marginale.
Le dispositif dit du 1 % déchets créé via la loi du 7 juillet 2014 2 s’est appuyé entre autres sur l’envie des collectivités territoriales de développer la coopération internationale sur un nouveau secteur, les déchets, mais également sur la nécessité d’agir là où les enjeux détritiques en cours et à venir sont colossaux. C’est un dispositif technico-financier sécurisant juridiquement pour les acteurs en cas de contestation de contribuables sur l’utilisation de l’argent public pour des projets extra-territoriaux. Une délibération citant l’article L1115-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) permet de donner un cadre juridique.
L’article L1115-2 du CGCT indique que « Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages au sens de l'article L. 2224-13 ou percevant la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères peuvent mener, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services et dans le cadre de l'article L. 1115-1, des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets des ménages. »
Sur les impacts sanitaires et environnementaux des déchets, l’étude d’impact du projet de loi sur le 1 % déchets constatait ceci « Selon la Banque Mondiale, à l’horizon 2025, 4,3 milliards de personnes habiteront en ville (+43% par rapport à 2011) et généreront 2,2 milliards de tonnes de déchets solides (+70% par rapport à 2011) pour un coût de gestion de 375,5 milliards de dollars (+83% par rapport à 2011) ». Ces mêmes projections attendent une croissance des déchets en Afrique et en Asie du Sud-Est principalement, alors qu’actuellement dans ces pays du Sud, « la production journalière de déchets est comprise entre 0,4 et 1,1 kg par habitant… ». Aussi, sur le continent africain, 50 % des déchets sont collectés en moyenne (Le Monde, 2018) contre 30 à 40 % vingt ans plus tôt pour les grandes agglomérations d'Afrique subsaharienne (Bertolini, 2000). Une autre projection parue dans la revue Nature prévoit que la production mondiale de déchets aura triplé d’ici 2100 en passant à 12 milliards de tonnes si nous continuons sur le chemin actuel de production de déchets (Monsaigeon, 2017).
La participation au 1 % déchet est volontaire et n’est pas nécessairement dédiée aux pays en développement (AFM & Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 2017). Comme toute politique de coopération internationale, elle est fondée sur un dialogue étroit avec les pays partenaires, sur la prise en compte de leurs stratégies de développement et sur les besoins des populations. Il a été choisi de faire de ce 1 % déchets un dispositif volontaire, notamment car le contexte financier de l’époque était compliqué pour les collectivités/syndicats (TVA à 10 %, hausse de TGAP…). Ainsi, les rédacteurs de l’étude d’impact précitée imaginaient que « seules les collectivités disposant de marges de manœuvre financières pourraient s’engager dans cette démarche ». Le chiffre de « 1% » correspond à un pourcentage « plafond » des dépenses du budget du service déchets d’une collectivité ou d’un syndicat ayant la compétence déchet.
Les collectivités françaises et les syndicats peuvent agir en matière de coopération décentralisée sur les déchets via le dispositif 1 % déchets ou autrement via le budget général par exemple. Quel que soit le mode de financement, il est faible en France.
Avant la publication de la loi du 7 juillet 2014, l’étude d’impact de la loi indiquait que la mise en place du 1 % déchet sur l’assiette des charges du service déchet pourrait générer un potentiel annuel de près de 67 millions d’euros de ressources pour ce dispositif (base de données de 2010). Ce montant serait mobilisé si 100 % des collectivités et syndicats mettaient en place le dispositif 1 % déchets. Les quelques bilans qui ont été réalisés indiquent que la mobilisation du dispositif 1 % déchets est encore très timide, et moins rapide que le 1 % Eau et assainissement à ses débuts (né suite à la loi Oudin-Santini de 2005) selon Arnaud Laaban, consultant indépendant dans le domaine de la solidarité internationale.
Dans le domaine des déchets, l’aide publique au développement (mobilisant le 1 % déchets ou non) a reculé par rapport à 2016 (année de la 1e comptabilisation), moins 30 % d’APD vis-à-vis de 2019 selon le rapport annuel de l’APD des collectivités territoriales françaises. Mais cela ne se traduit pas nécessairement d’une baisse de 30 % de l’utilisation du 1 % déchets par les collectivités et syndicats fait remarquer une interlocutrice de la délégation pour l’action extérieur des collectivités territoriales. Selon ce rapport annuel, tous secteurs confondus (agriculture, eau et assainissement, santé, formation et éducation…), le secteur des déchets est le 14e secteur bénéficiaire de l’APD (en euro) sur 32 secteurs en 2019, c’était le 9e en 2016. Le dispositif 1 % déchets, qui plus est, a été lancé en 2014, l’année où l’APD était au plus bas (ibid. Le Figaro, 2020).
Plusieurs raisons peuvent freiner les collectivités/syndicats à s’engager dans ce dispositif, le manque de moyens humains, financiers, le manque de temps, le manque d’informations, la taille de la structure ou sa jeunesse 3 (Ademe N-A, 2020). Pour Marion LERICHE, chargée de mission pour So coopération (RRMA 4 de la Région) qui est l'organisme en charge de l'animation et de la coordination du projet PLASTIC (Plateforme d’Action et de Sensibilisation au Traitement Individuel et Collectif des déchets) 5 avec l'appui du CEAS Burkina Faso, d'autres freins existent. Selon notre interlocutrice, cela peut s’expliquer également par l’instabilité sécuritaire des territoires partenaires, la priorisation d’autres sujets (la tarification incitative, l’extension des consignes de tri et son corollaire la modernisation des centres de tri, le tri à la source biodéchets…), la difficulté à justifier cela auprès des usagers ou auprès des élus d’opposition. Pour les syndicats, une difficulté s’ajoute, ils ont rarement fait de la coopération internationale contrairement aux collectivités remarque Marion LERICHE.
En 2017, l’aide publique au développement télédéclarée par les collectivités plaçait le secteur de l’eau et l’assainissement en tête des actions d’aides extérieurs en termes de budget avec 24 % du montant total télédéclaré (Laaban, 2020). Le secteur des déchets a fait l’objet de moins de financements puisqu’il faisait l’objet de 3 % des montants télédéclarés en 2017, soit 1,6 millions d’euros. Cette même étude d’Arnaud Laaban, indiquait : « Le nombre de collectivités menant des actions de coopération décentralisée en matière d’eau et d’assainissement est 5 fois supérieur à celles menant des actions dans le domaine des déchets ». Parfois certains mènent des actions conjointes sur l’eau, l’assainissement et les déchets.
L’aide publique au développement peut concerner d’autres secteurs comme l’aide aux réfugiés, l’agriculture, l’éducation et la formation professionnelle, la santé...
Voici deux sources différentes qui tiraient un bilan synthétique des projets menés :
La collecte des données est difficile, les bilans ne sont pas nécessairement exhaustifs, et les bilans de mobilisation du 1 % déchet ne sont pas annualisés selon Arnaud LAABAN. En Allemagne, le Ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ) met à jour les données comme les financements tous les mois sur son site Internet.
Géographiquement, les pays ayant le plus bénéficié du 1 % déchets jusqu’alors sont des pays d’Afrique. 7 Dans le projet de loi relatif aux inégalités mondiales, en discussion au Parlement actuellement, 19 pays prioritaires appartenant à la catégorie des PMA 8 sont ciblés par l’APD dont 18 en Afrique. Les régions ayant le plus mobilisé le 1 % sont l’Île de France (37 projets), la Région Nouvelle-Aquitaine et la Région Auvergne-Rhône-Alpes (6 projets chacune). Peut-être est-ce dû précisément à une plus grande aisance financière de ces territoires. Sur les 13 Régions métropolitaines, l’Île de France, Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine étaient les Régions avec le plus gros PIB en valeur parmi toutes les Régions françaises (Le Figaro, 2015). A contrario, selon la base de données Amorce 2015-2019, aucun projet n’a été mené en Pays de la Loire, en Corse et en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Plus de trois-quarts des opérateurs (et non pas financeurs) mobilisant le 1 % déchet entre 2015 et 2019 étaient des ONG selon la base de données Amorce. Les opérateurs agissent en lien avec les financeurs.
Selon Amorce toujours « Les rendez-vous devraient […] se multiplier » pour assurer la mise en réseau des collectivités et syndicats sur le 1 % déchets (Amorce, 2021).
Dans le cadre de l’action internationale de l’Ademe, l’agence de la transition écologique et l’AFD ont conclu un partenariat en 2007 pour coordonner leurs actions et échanger sur les bonnes pratiques (Actu environnement, 2007). Sur la période 2014-2019, la gestion déchets était parmi les thématiques prioritaires (Ademe, 2014). Dans le dernier rapport de gestion et performance de l’Agence, la thématique déchet a disparu des actions à l’international (budget de 3M d’€), la thématique énergie prédomine. (Ademe, 2021) C'est pourtant une recommandation du rapport d'Arnaud LAABAN, à savoir faire grandir le rôle de l'Ademe sur la coopération décentralisée sur les déchets pour les collectivités notamment.
Près de sept ans après la création du 1 % déchets par la loi du 7 juillet 2014, et malgré l’appel à la mobilisation du 1 % sous l’égide d’Amorce, de l’Ademe, de l’AFD, et de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée qui avait été lancé le 25 septembre 2017, l’engagement des collectivités et syndicats reste très faible. Le contexte actuel de pandémie, de hausse de la TGAP, de baisse des recettes ne devrait pas aider à améliorer la situation.
La part des financements concernant la prévention dans les projets est elle aussi marginale.
Amorce n’a pas répondu aux sollicitations par téléphone et par email.
Actu environnement, 2007. Signature d’un accord-cadre entre l’ADEME et l’AFD.
Ademe, 2014. L’Ademe et l’AFD poursuivent leur collaboration.
Ademe, 2021. Rapport de gestion et performance 2020.
Amorce, 2021. Lettre aux adhérents n°70. 130p.
Amorce, 2020. PAGEDS 1 % déchets. Coopérer dans le domaine des déchets. 8 idées reçues à déconstruire pour l’engagement des collectivités territoriales et des EPCI.
Bertolini, 2000. Décharges : quel avenir ? editions Société Alpine de Publication, 107p.
Laaband, 2020. Etude prospective sur les dispositifs 1 % (eau, déchets et énergie). 61p.
Le Figaro, 2015. Quelles sont les régions les plus puissantes économiques ?
Le Figaro, 2020. Une loi fixe le cap de l’aide française au développement.
Les Echos, 2021. L’aide au pays en développement n’a jamais été aussi généreuse.
Le Monde, 2018. A Nairobi, des start-up à l’assaut de la montagne de déchets.
Monsaingeon, 2017. Homo detritus. Critique de la société du déchet. Editions du seuil, 288p.